mercredi 18 mai 2016

De la présence... encore...

Je sais, j'en ai déjà parlé à un moment ou à un autre... mais il faut y revenir souvent tant le concept n'est pas facile à cerner et ne se laisse pas définir avec aisance! 

Car oui. L'un des éléments essentiels du jeu de l'acteur - et peut-être aussi le plus ésotérique! - devrait être la présence qui provoque, chez le spectateur, une forte impression! Mais c'est là jouer avec un concept abstrait... bien que parfois, de la salle, quand on regarde vers la scène, le tout semble concret. Concept abstrait car comment expliquer à un acteur que sa présence est bonne? Ou pire encore, qu'elle est absente ou déficiente? 

Qu'est-ce que la présence? 

Josette Féral a réalisé, dans les années 90-2000, une série d'entretiens avec les plus grands metteurs en scène actuels, tant québécois qu'européens publiés, chez Lansmann, sous le titre Mise en scène et Jeu de l'acteur. Dans le second tome, consacré au corps en scène, elle a posé la question à chacun de ceux-ci... et les réponses se coupent et se recoupent, posent les jalons d'une réponse terre-à-terre, technique... alors que d'autres partent sur des élucubrations d'ordre spirituelles.


Parmi celles-ci, j'aime bien celle de Jacques Lassalle, un metteur en scène français:

Est présent l'acteur qui, sans qu'il le sache, impose son propre rythme cardiaque, son propre rythme respiratoire aux spectateurs. [...] C'est l'acteur auquel on s'abandonne et c'est en même temps l'acteur qui vous donne les moyens de vous reprendre et de vous tenir à distance. C'est une dialectique très serrée. Si on n'est que distance au théâtre, si on n'est que retrait, il ne se passe rien.

Et il continue avec un passage que je trouve parlant (façon de parler!) sur la complétude de la présence, sur ce qu'on cherche, tant comme metteur en scène que comme comédien:

La présence, techniquement, c'est cette espèce d'extraordinaire adhésion, coïncidence d'un corps, d'une geste, d'un déplacement et d'un dire avec l'espace et le temps de la représentation. 

Quoiqu'il en soit, cette présence reste fuyante et c'est quelque chose d'éminemment fragile:

Très franchement, je crois que c'est un don. Cela peut se développer, mais il ne faut pas que cela se sache. Un acteur conscient de sa séduction, du pouvoir qu'il exerce, est un acteur déjà considérablement altéré. L'important est qu'il ne le sache pas trop, car la présence dont nous parlons, c'est aussi l'innocence, c'est une enfance préservée. C'est l'art d'être ce que je ne sais pas que je suis, [...]. La stratégie de séduction consciente, chez l'acteur, mène souvent à la pire des impasses.