samedi 2 juillet 2016

Maudit soit le spectateur!


Je continue de fouiner dans les collections en ligne de la Bibliothèque et Archives Nationale du Québec à la recherche de petits morceaux de littérature oubliés portant sur le théâtre, sa place dans la communauté, ses artistes et artisans. Et voici que je tombe sur cet article paru dans L'Écho du cabinet de lecture paroissial de Montréal (une petite revue qui paraît deux fois par mois entre 1859 et 1874, dirigée par les prêtres sulpiciens et destinée à parfaire l'instruction chrétienne des familles), dans l'édition du 5 juillet 1860:

Rien peut-être ne nous parait plus propre à inspirer de l'horreur pour les théâtres que la sévérité des lois Romaines pour cette classe d'hommes appelés vulgairement comédiens, comédiennes. [...] C'est l'Église toujours dirigée par le Saint-Esprit qui les a faites, ces lois; ce sont les princes les plus religieux comme les plus grands qui les ont établis. Ce sont les Romains, c'est-à-dire le peuple dont les lois ont été les plus sages et les plus admirées. [...]

Y a-t-il rien de plus odieux, de plus révoltant et de plus lâche qu'un honnête homme à la comédie, faisant tantôt le rôle d'un voleur, d'un assassin; tantôt celui d'un adultère ou d'un incestueux? Qu'y a-t-il de plus choquant qu'un honnête homme à la comédie, au théâtre, déployant tout son talent pour faire valoir de criminelles maximes pour lesquelles il n'a lui-même que de l'horreur? [...]

[...] Sachez-le bien, en allant au spectacle, vous contribuez à faire embrasser un état qui déshonore, qui pervertit et qui réprouve ceux qui l'exercent. En vain vous vous croiriez innocents, c'est pour vous qu'ils représentent, c'est pour votre plaisir qu'ils excitent en eux-mêmes les orages des passions; vous le savez, ou du moins vous devez le savoir; vous y consentez, vous êtes donc d'accord avec eux; vous les encouragez par votre présence, par vos applaudissements, par votre argent, comment ne sauriez-vous pas coupables des désordres et du malheur éternel de vos frères? [...] Or vous qui les aurez autorisés par votre présence, vous serez responsables non-seulement des péchés que vous y aurez commis, mais encore, de ceux des acteurs eux-mêmes, et de ceux, innombrables peut-être, qu'ils feront commettre aux autres!

[...] Courage donc, jeunesse canadienne, l'espoir de notre beau pays! À vous de donner l'exemple d'une sainte croisade contre un nouveau fléau non moins dévastateur que l'intempérance, le luxe et l'usure [...]

Jurons donc tous ensemble, non seulement de ne jamais assister au théâtre, mais de constamment faire tous nos efforts pour en détourner les autres. Regardons comme une lâcheté et une espèce de déshonneur d'y aller. 

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