dimanche 7 juillet 2013

Palmieri, le comédien canadien-français


Dernièrement, j'ai acheté, dans une bouquinerie, un petit livre, Mes souvenirs de théâtre, publié en 1944 (était-ce la première édition?) par le comédien canadien-français Joseph-Serge Archambault qui a fait carrière, à la toute fin du XIXième siècle et dans la première partie du XXième sous le nom de scène de Palmieri (en l'honneur du premier personnage qu'il a interprété). 

Outre le style pompeux de l'écriture, l'intérêt réside dans sa description du milieu théâtral professionnel de l'époque. Dans la petite histoire théâtrale québécoise, le point de départ de la dramaturgie et de la véritable professionnalisation est fixé en 1948, avec la création de Ti-Coq de Gratien Gélinas. Pourtant, le théâtre était très actif dans les années antérieures... sans toutefois jamais réussir à se pérenniser, laissant la large part des actions aux grandes tournées américaines et européennes.

Ce livre ouvre donc une fenêtre sur cette période (que j'apprécie particulièrement!) dont le fait marquant demeure la création du Monument-National, à Montréal. Il y va de considérations artistiques sur les auteurs, sur ses collègues, sur la gouvernance et l'administration des troupes, sur le public et ses goûts, sur le travail exigé par une vie théâtrale:

J'ai eu parmi mes camarades des artistes consciencieux, à qui je n'ai jamais eu un reproche à faire; studieux, ponctuels, intelligents, ils comprenaient que le travail assidu, seul, pouvait conduire au succès. J'en ai eu d'autres pour qui le théâtre était un métier de paresseux, ils me faisaient penser à ces élèves qui se hâtent d'apprendre leurs leçons pour ensuite rêver dans un doux farniente. Le théâtre, pour celui qui se contente d'apprendre son rôle, d'être en retard à chaque répétition, de ne prêter aucune attention aux remarques du régisseur, est en effet une profession ayant la fainéantise pour base. Le travail est la plaie de ceux qui ne veulent rien faire. [...] Lorsqu'on aime son art, qu'on vit pour lui, qu'on a visé à la perfection, il faut un travail assidu, continuel; l'intelligence, tendue vers les sommets, n'a qu'une échelle pour les atteindre: le labeur, la persévérance, l'énergie sont les principaux échelons de cette sublime gradation. 

Il y va également d'opinions critiques parfois acerbes... qui pourraient toujours être de mise:

Ce qu'il y a de plus terrible chez nous, dans notre province, c'est que nous naissons tous thuriféraires, nous avons un goût très prononcé pour l'encensoir. Aussitôt qu'un des nôtres remporte un petit succès, on le porte aux nues, on l'apprête à toutes les sauces, on en sature le public. Ces artistes en herbe se croient réellement arrivés, il n'y a plus rien a leur apprendre, devenus chez nos mercantis une valeur commerciale, à son de trompe on les bombarde du titre pompeux d'artiste génial, et l'encens en volutes blanches monte sans cesse vers les narines d'un public qui, le jour où il se mouche, les rejette dans le mouchoir aux oublis. Un autre prend sa place, l'encens monte de nouveau, et les nez se rembouchent. Voilà, hélas! à quoi se résume chez nous le bilan splendide de nos activités artistiques. Aucun de ces génies ne pourrait même vous donner la véritable signification du mot art. 

Enfin, il donne de multiples anecdotes de cette vive période... anecdotes que je relaterai peut-être ici, à un autre moment donné...