jeudi 28 février 2013

Les recettes de la comédie selon Ionesco


Prenez une tragédie, 
précipitez le mouvement, 
vous aurez une pièce comique: 
videz les personnages de tout contenu psychologique, 
vous aurez encore une pièce comique; 
aites de vos personnages des gens uniquement sociaux, 
pris dans la «vérité» et la machinerie sociales, 
vous aurez de nouveau une comédie!

C'est la recette de Ionesco pour obtenir une comédie... tirée de Notes et contre-notes, en page 204. Une vision plutôt intéressante qui revient, en fin de compte, à dire que la comédie (ou la tragédie) appartient à celui qui lit ou fait le théâtre.

mercredi 27 février 2013

Une biographie de Ti-Mousse...


J'ai commencé à lire, hier soir, cette biographie de Denyse Émond, alias Ti-Mousse (du célèbre duo Ti-Gus et Ti-Mousse), écrite par le Félicinois David Lavallée et publiée aux Éditions JCL.

L'intérêt de cette lecture (moyenne...) réside surtout dans la plongée dans le milieu des arts de la scène, du burlesque et de la variété, du Québec des années 30, 40 et 50. L'époque des grandes troupes de tournée (comme celle de Jean Grimaldi). L'époque des théâtres privés (comme celui de La Poune). L'époque des cabarets.





Toute une génération de comédiens y passera et y apprendra son métier: acteurs comiques, humoristes... Tout un monde culturel en ébullition. Mais sincèrement, est-ce que je me rendrai jusqu'à la quatrième de couverture? La vie de cette artiste et l'écriture du biographe ne sauront peut-être pas m'attaché aux pages qui restent...

mardi 26 février 2013

Les bases du dialogue théâtral entre la salle et la scène...


... et l'un conditionne nécessairement l'autre... dans un rapport de complémentarité ou un rapport de contradiction...

Mettre en scène... par Louis Jouvet


Il me faudra bientôt cesser de dire que je ne suis pas un fan de Louis Jouvet... après toutes les citations de lui que j'ai publiées sur ce blogue (les voici)! Si je ne partage pas l'ensemble de ses vues théâtrales, il a - je dois l'admettre - la capacité de susciter de nombreuses réflexions. Il faut dire aussi que la passion qu'il éprouve pour son métier transparaît dans chacune de ses phrases. Comme cette définition de tâches du metteur en scène écrite en 1948 dans Réflexions d'un comédien:

Mettre en scène, c'est gérer les biens spirituels de l'auteur, en tenant compte des nécessités temporelles du théâtre.

C'est se placer du point de vue d'un soir et du point de vue de l'éternité.

Il y a deux sortes de metteurs en scène: ceux qui attendent tout de la pièce, pour qui l'oeuvre est essentielle, et ceux qui n'attendent rien que d'eux-mêmes et pour qui l'oeuvre est une occasion [...].

Mettre en scène, c'est, avec patience, avec modestie, avec respect, avec angoisse et délectation, aimer et solliciter tous les éléments animés ou inanimés, êtres et choses, qui composeront le spectacle, les incliner vers un certain état. C'est provoquer et attendre le mystère de leur efficacité interne, de leur présence ou de leur incarnation dramatique.

Jusque là, ça va. J'adhère assez bien à ces descriptions. Il a rajouté, en 1951, dans Témoignages sur le théâtre:

Mettre en scène, c'est retrouver l'état d'esprit de l'auteur, l'humeur ou le ton de l'auteur au moment de l'écriture, son inspiration. Nul ne peut décrire, expliquer cet instant, majeur, capital, pendant lequel l'auteur se commente lui-même, écrit ce commentaire souverain de sensations, de sentiments et d'idées: une pièce.

Cette dernière partie est la philosophie jouvetienne que j'abhorre. C'est la sacro-sainte voix de l'auteur que je trouve parfois encombrante... et c'est, en quelque sorte, une soumission au mot qui m'indispose un peu... 

lundi 25 février 2013

«Les maladies du costume de théâtre»


Petit extrait d'un texte de Roland Barthes, Les maladies du costume de théâtre... qui décrit une autre de ses vérités théâtrales:

D'une manière générale, le costume de théâtre ne doit être à aucun prix un alibi, c'est-à-dire un ailleurs ou une justification: le costume ne doit pas constituer un lieu visuel brillant et dense vers lequel l'attention s'évaderait, fuyant la réalité essentielle du spectacle, ce qu'on pourrait appeler sa responsabilité; et puis le costume ne doit pas être non plus une sorte d'excuse, d'élément de compensation dont la réussite rachèterait par exemple le silence ou l'indigence de l'oeuvre. Le costume doit toujours garder sa valeur de pure fonction, il ne doit ni étouffer ni gonfler la pièce, il doit se garder de substituer à la signification de l'acte théâtral des valeurs indépendantes. C'est donc lorsque le costume devient une fin en soi, qu'il commence à devenir condamnable.

C'est bien, je trouve, que cette mise en garde... qui vaut, au fond, pour tous les autres secteurs scéniques, des décors aux éclairages, en passant par les accessoires et la musique. Mais il est parfois si facile (et si tentant!) de sombrer dans cette maladie qu'est l'esthétisme!

dimanche 24 février 2013

Le vrai 3-D...



Calendrier théâtral [du 24 février au 2 mars 2013]


J'ai un peu abandonné cette section Calendriers hebdomadaires au cours des dernières semaines, des derniers mois. Mais voici que je m'y remets. Avec un certain entrain...

Donc...

Aujourd'hui, 24 février 2013
Salle Marguerite-Tellier (Chicoutimi), 14h

Le Théâtre 100 Masques donne la neuvième et avant-dernière rencontre de L'Heure du théâtre (son projet de lectures des grands textes de l'histoire dramatique) consacrée, cette fois, à Eugène Ionesco, à La Cantatrice Chauve et au théâtre de l'absurde. Il en coûte 10$ par personne (notamment pour le texte, le thé et les biscuits). Il est possible de s'inscrire en laissant un message sur la boîte vocale de la compagnie au 418-698-3895.

Aujourd'hui, 24 février 2013
Salle Lionel-Villeneuve (Roberval), 15h

Le Théâtre Mic Mac reçoit le Théâtre À Bout Portant et son tout récent spectacle, Strict Minimum. Strict-Minimum est une création alliant théâtre gestuel et marionnette. Un spectacle solo établissant un dialogue entre la marionnette, le corps devenant scénographie mouvante et le manipulateur. Il en coûte 5$ par personne pour assister à la représentation.

Mardi, 26 février 2013
Théâtre Banque Nationale (Chicoutimi), 20h

Diffusion Saguenay reçoit Variations énigmatiques. Personnage arrogant et amer vivant en ermite sur une île de la côte nord de la Norvège, Abel Znorko, prix Nobel de littérature, reçoit peu. Une fois n'est pas coutume, il accepte ce jour là de rencontrer un journaliste d'un obscur quotidien d'une ville située à 300 km au sud, sous motif inavoué que le scribe habite la même ville que la femme qu'il a aimée et avec qui il a entretenu une longue correspondance. Mais la rencontre, qui débute bien mal, va prendre des allures de confrontations idéologiques puis, les deux hommes provoqueront un étrange jeu de mensonges-vérités ponctué de revirements inattendus. Et puis, toute cette vérité éclatée fera-t-elle un gagnant et un perdant ou, tout simplement, deux écorchés? La question est posée…


Samedi, 2 mars 2013
Théâtre Banque Nationale (Chicoutimi), 14h

Diffusion Saguenay reçoit Patinoire, une création de la troupe Les 7 doigts de la main. Entre le cirque et le théâtre, entre la danse et la musique, Patinoire joue dans les sables mouvants de la fragilité, du joyeux désespoir qui nous habite. Fanfare pour homme seul, cirque d’infortune, usine à blagues, jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour aimer et être aimé ?

Voilà. C'est ce que je sais. Peut-être est-ce que j'oublie quelques trucs... en quel cas, il est possible des faire rajouter par le biais des commentaires!

samedi 23 février 2013

Demande du Collectif Les Poulpes et du Théâtre C.R.I.!

Le Collectif Les Poulpes (le plus jeune des regroupements théâtraux professionnels du Saguenay dont le site est ici) - composé des Andrée-Anne Giguère, Elaine Juteau, Anick Martel et Maud Cournoyer - et le Théâtre C.R.I., publient, ces jours-ci, sur Facebook, une demande précise dans le cadre de leur prochaine (co-)production, Avoir 15 ans:


Une chance pour toi de tous les âges de participer et d’avoir UNE VIDÉO DE TOI DANS UNE PRODUCTION THÉÂTRALE !

Ça t’intéresse, c’est simple tu te filmes avec ton cellulaire, ton ordi, une caméra, peu importe, c’est un court vidéo.

On veut voir ton visage, tu te filmes en train de nous dire : Bonjour, j’ai 15 ans et je viens de la région de ________ (ne pas donner ton adresse).

Ensuite, tu nous envoies le tout par email à l’adresse suivante: videoavoir15ans@gmail.com

Tu n'as pas 15 ans, ça n'a pas d'importance on veut des gens de tous les âges et de partout, il faut par contre tous dire le même texte.

C’est tout simple et tu pourras ensuite voir ton visage dans la production du THÉÂTRE CRI et du Collectif LES POULPES, «Avoir 15 ans», au mois d’avril prochain au Mont Jacob à Jonquière et en tournée au Saguenay-Lac-St-Jean et tout le Québec l’an prochain.

On attend les vidéo AVANT le 10 MARS 2013.

L'envoi par courriel de cette vidéo signifie que toi et tes parents acceptez et donnez votre autorisation et votre consentement pour que cette vidéo soit utilisée sur la scène théâtrale pour le projet Avoir 15 ans exclusivement.

Voilà. Le message est passé! Pour plus de détails sur ce projet, il est possible de consulter le blogue  (sur Wordpress) constitué pour l'occasion.

Des projets, des projets

Le milieu théâtral continue de se développer, de se concerter... et poursuit encore les mêmes objectifs qu'il s'était donné il y a quelques années par le biais du Groupe de compétence en théâtre du CRC (objectifs qui ont été renouvelés par le premier Forum et qu'on peut retrouver ici). 

Outre la tenue de rencontres régulières de ce groupe et la tenue, depuis 2011, des Forums annuels, plusieurs actions se sont succédées... notamment la vidéo promotionnelle commune, le dépliant Zone de jeux et de création, la carte privilège... en plus de tous les autres comités mis en place avec chacun un dossier précis à faire avancer (cachets de publicité, organisme de services, etc.). 

Dans la même veine, il y a quelque jours, je publiais également l'appel de projet pour la première carte blanche (voir ). 

Mais ce n'est pas tout. Le CRC a envoyé de nouveaux communiqués annonçant la mise en place des premières auditions publiques en théâtre:  Le Groupe de compétence Théâtre , soucieux de toujours améliorer les liens de communication entre producteurs et artistes, convie également les artistes de théâtre à se produire à la toute première des Auditions publiques régionales. Les comédiens connus - et moins connus du SLSJ pourront ainsi faire valoir leur talent à un nombre significatif de producteurs en théâtre, cinéma, vidéo et télévision, qui n’ont pas souvent accès à ces artistes désireux de se joindre à leurs multiples projets.

Les candidats intéressés doivent préparer une scène théâtrale d’une durée maximale de cinq minutes. À noter que cette période d’auditions, qui se déroulera le 2 mai prochain entre 14 h 00 et 18 h 00, n’est pas un concours. Il s’agît plutôt d’une vitrine pour se faire connaître et reconnaître, pour se mettre au défi ou simplement pour vivre une nouvelle expérience, et qui sait, pour pouvoir travailler dans son domaine. Pour plus de détails, pour connaître les critères d’admissibilité ou pour s’inscrire - avant le 5 avril à 16 h 00, communiquez avec Véronique Villeneuve à : liaison@crc02.qc.ca.

D'autres évènements viendront sans doute. 

Entretemps, je suis à mettre à jour la liste de noms de gens qui font le théâtre au SLSJ. Cette liste se retrouve maintenant dans la bande noire dans le haut de ce blogue, sous l'onglet Ceux qui font le théâtre d'ici. Plus de gens la liront et la valideront et le plus elle sera complète. 


vendredi 22 février 2013

L'évolution du théâtre entre 1960 et les années 2000... en deux petites lignes!

Jean-Pierre Ryngaert est un professeur en théâtre, un théoricien français qui a écrit nombre de bouquins sur le théâtre contemporain, son évolution. Il a une capacité de synthétiser ses (les!) idées, de les illustrer... bref, de les vulgariser.

Dans Théâtres du XXIième siècle: commencements (le plus récent ouvrage que je me suis procuré), en page 51, il y va d'une description - d'une remarquable concision! - d'un changement de paradigme majeur, d'un recentrement de la pratique du texte à la scène:

Dans les années 1960-1970, le mot clé était lecture ou la relecture des textes par les metteurs en scène. Celui des années 2000 pourrait bien être l'écriture ou la réécriture par ceux-ci, ou par leurs dramaturges, ou par des auteurs simultanément metteurs en scène que je nommerai «auteurs en scène» [...]

En fait, ces quelques lignes me rappellent une vision particulière... celle de Meyerhold! Déjà, dans les premières décennies du XXième siècle, il réclamait le titre d'«auteur du spectacle».

Alors... changement?

jeudi 21 février 2013

Julie en vitrine...

Photographie de Mariane L. Saint-Gelais, Le Quotidien

Comme projet de fin de bacc. interdisciplinaire (mais avec un profil théâtre), Julie Bernier a choisi de se mettre elle-même en scène, dans un contexte hyper-urbain: une vitrine.

Jusqu'à demain midi (encore 28h30!), elle vit littéralement dans la vitrine de Séquence, sur la rue Racine. Prête à l'écoute grâce à un dispositif simple mais efficace. Du coup, qui est le sujet?

Un projet intéressant.... dont il est possible de lire les tenants et aboutissants dans cette partie d'article de Daniel Côté paru ce matin dans Le Quotidien

mercredi 20 février 2013

La critique... selon Ionesco


Eugène Ionesco, avant de devenir un monument du théâtre universel, a été, à maintes reprises, l'objet de critiques partagées à savoir s'il était d'avant-garde ou anti-théâtral... Des critiques parfois enthousiastes... et parfois acerbes. Et, plus souvent qu'autrement, contradictoires! 

D'où son opinion sur la critique en général (tirée de la page XXX de ses Notes et contre-notes publiées en 1962 chez Gallimard... que je me plais de retranscrire ici pour faire suite à toute une série de billets sur le sujet!):

[...] La critique est pratiquement un mélange de tout, elle souvent tout, sauf de la critique; partant de sa subjectivité, exprimant sa subjectivité, le créateur s'objective; sortie de lui, extériorisée, l'oeuvre acquiert une existence en soi. L'auteur croyant se tenir se débarrasse de lui-même. Par contre, les critiques prétendant à l'objectivité ou à une certaine objectivité n'expriment le plus souvent que leur subjectivité. [...] Le critique reste prisonnier de lui-même, il exprime ses sentiments, sa mentalité, la mentalité de son époque dont il est tributaire, ses passions, son parti pris. [...] Il ne veut voir dans l'oeuvre que l'illustration de ses désirs ou de ses idées, il approuve ou réprouve l'oeuvre dans la mesure où celle-ci est conforme à ses désirs, à ses idées. [...] La critique, étant ainsi l'expression d'un parti pris, ou involontairement subjective, est, par cela même, faussée.

C'est là une intéressante (et sévère) vision de la critique. Toutefois, cette conception serait encore plus intéressante s'il était possible d'y adjoindre ce que Ionesco considère comme le rôle, la fonction de cette dite critique... Je cherche.

mardi 19 février 2013

Vers le troisième «Forum sur le théâtre au Saguenay-Lac-Saint-Jean»


Ce matin, lors de la rencontre du groupe de compétence en théâtre (piloté par le Conseil régional de la culture), le comité d'organisation du troisième Forum sur le théâtre au Saguenay-Lac-Saint-Jean a été formé. Il s'agit de mesdames Lyne L'Italien, Guylaine Rivard, Véronique Villeneuve (d'office sur tous les comités) et de moi-même (en plus, éventuellement, de Réjean Gauthier qui était avec nous l'an dernier). 

Ce comité se réunira bientôt, pour faire un premier état de la situation et établir, à partir des propositions et de ses propres idées, un projet d'ordre du jour.

Avis à tous! Ce troisième Forum se tiendra, tel qu'il avait été statué lors de l'édition précédente, le troisième vendredi du mois de juin... soit le 21. Les heures (et la formule) seront définis dans les semaines à venir.

D'ici là, il y aura eu la première édition des auditions publiques, le 2 mai et l'attribution d'une première «carte blanche» (voir le billet précédent) pour la relève... deux mesures découlant de cette grande concertation.

lundi 18 février 2013

Une première carte blanche pour le théâtre...

Voici l'appel de projet pour la première carte blanche en théâtre découlant des priorités du premier Forum sur le théâtre au Saguenay-Lac-Saint-Jean!



«Orphée aux Enfers»... [Carnet de mise en scène]


En réflexion devant le montage du décor d'Orphée aux Enfers... en compagnie de l'éclairagiste, Alexandre Nadeau (photo: Christian Roberge)

Maintenant que la poussière retombe un peu, vient maintenant le temps de faire le bilan de cette expérience  (plus qu'enthousiasmante!) que fut Orphée aux Enfers

Qu'est-ce qui a bien marché? Qu'est-ce qui a accroché? Qu'est-ce qui, avec le recul, aurait pu être fait autrement? C'est là le plus difficile: tenter de faire preuve de rigueur et d'objectivité... je dirais malgré et contre la bonne réception générale (sait-on jamais les critiques plus négatives?) du spectacle. 

Rien n'est vraiment parfait. Tout peut (et doit!) être amélioré.

Démêler les choix des compromis. Les obligations des désirs artistiques. Les essais des convictions. Les bons coups des moins bons. L'exercice est exigeant, mais nécessaire. Car ce n'est pas dans cette couche bienfaisante de compliments que se développe une pratique...

Dans l'ensemble, pourtant, le plaisir a été au rendez-vous! 

En attendant la prochaine fois... si prochaine fois il y a... voici quelques billets écrits sur la production 2013 de la Société d'art lyrique du Royaume:

Une belle soirée aux Enfers (Denise Pelletier, Spécial du jour)
L'opérette prend un coup de jeune (Daniel Côté, Le Quotidien... en partie)
Une belle tradition (opinion de Daniel Côté, Le Quotidien)

dimanche 17 février 2013

Rachel

 La comédienne Rachel (Rachel Félix), gravure d'après C.L. Müller, 1905

Le groupie que je suis devant son monument au Père-Lachaise, Paris, novembre 2011

De tous les grands monstres sacrés du théâtre français du XIXième siècle (ce qui me rappelle qu'un même devoir de mémoire devrait agir pour le champ dramatique saguenéen!), Rachel est sans conteste l'un des plus fascinants (et elle a déjà fait l'objet d'un billet sur ce blogue, le 20 octobre 2011). Elle n'a pas la théâtralité de Sarah Bernhardt. Elle n'a pas la beauté de Julia Bartet. Elle n'a pas la puissance outrancière des Mounet-Sully et des Frédérick Lemaître... Non. Et c'est là tout son intérêt... aux dires de ses contemporains qui ont chanté ses louanges.

Comme Jules Janin, un critique dramatique français, le 20 août 1838, dans Les Débats: Quelle chose étrange! Une petite fille ignorante, sans art, sans apprêt, qui tombe au milieu de la vieille tragédie! Elle la ranime en soufflant vigoureusement sur ces augustes cendres. Elle en fait jaillir la flamme et la vie. Oui, cela est admirable et notez bien que cette enfant est petite, assez laide; une poitrine étroite, l'ait vulgaire et la parole triviale. [...] Ne lui demandez pas ce que c'est que Tancrède, Horace, Hermione, la guerre de Troie, Pyrrhus, Hélène. Elle n'en sait rien. Elle ne sait rien. Mais elle a mieux que la science: elle a cette lueur soudaine qu'elle jette autour d'elle. À peine sur le théâtre, elle grandit de dix coudées, elle a la taille des héros d'Homère, sa tête se hausse et sa poitrine s'étend, son oeil s'anime, son pied tient à la terre en souverain, son geste est comme un son venu de l'âme, as parole vibre au loin toute remplis des passions de son coeur. Elle marche ainsi dans le drame de Corneille sans hésiter, semant autour d'elle l'épouvante et l'effroi.

Paul de Saint-Victor , un autre critique dramatique de la même époque, en rajoute: La beauté classique si longtemps méconnue et défigurée s'était incarnée dans cette enfant d'élection. Ce n'était pas seulement Corneille et Racine, c'était Eschyle et Sophocle qu'elle faisait revivre. [...] Le vers résonnait sous cette voix mordante, qui frappait l'alexandrin à l'effigie des médailles. Quelle attention profonde, quel calme dominateur! Quelle vie rapide circulant à travers les silences, les mouvements, les regards et l'air même! Quelle façon souveraine d'entrer, de s'asseoir, d’interpeller, de sourire! À quelle dignité plastique elle élevait et maintenait les plus violentes passions de ses rôles!

Ce dernier point plastique sera relaté par un autre influent critique dramatique qui sera connu surtout pour ses romans: Théophile Gautier. Mademoiselle Rachel, sans avoir de connaissances ni de goûts plastiques, possédait instinctivement un sentiment profond de la statuaire. Ses poses, ses attitudes, ses gestes s'arrangeaient naturellement d'une façon sculpturale et se décomposaient en une suite de bas-reliefs. les draperies se plissaient, comme fripées par la main de Phidias, sur son corps long, élégant et souple. Aucun mouvement moderne ne troublait l'harmonie et le rythme de sa démarche; elle était née antique, et sa chair pâle semblait faite avec du marbre grec... Seule elle fait vivre pendant dix-huit ans une forme morte, non pas en la rajeunissant comme on pourrait le croire, mais en la rendant antique de surannée qu'elle était peut-être; sa voix grave, profonde, vibrante, ménagère d'éclats et de cris, allait bien avec son jeu contenu d'une tranquillité souveraine. Elle fut simple, belle, grande et mâle comme l'art grec qu'elle représentait à travers la tragédie française.

J'admire ces descriptions imagées de ces grands acteurs. Peut-être ne donnent-ils pas l'exacte mesure de leur jeu et tous les codes de l'époque... mais elles ont la qualité de faire rêver. Qui se souviendront de acteurs d'aujourd'hui à partir de ce qu'on en écrit (ou photographie, ou filme)?

samedi 16 février 2013

Le théâtre en crise?


La crise est devenue, au fil du temps (et particulièrement dans nos sociétés), un lieu commun. Il ne faut presque rien pour qu'elle soit aussitôt déclarée.  

Le théâtre (et j'oserais ajouter «le monde culturel en général») fait-il exception? Est-il en crise? Ou plutôt, l'est-il encore? Après la crise du drame de 1880, après de multiples crises financières et économiques, après des crises de censure, après des crises de désaffection du public - et quoi encore! - peut-il ou saura-t-il s'en sortir?

(En écrivant ce billet, je pense tout naturellement à la situation du FIAM...) 

La difficulté de répondre à ces questions dépend, bien entendu, du regard de l'observateur.

L'une des meilleures réponses, à mon avis, revient à Eugène Ionesco... qui écrivait en 1962 (mais ce pourrait avoir été écrit aujourd'hui), dans Notes et contre-notes (p.207): La crise du théâtre existe-t-elle? Elle finira par exister, si l'on continue d'en parler. On pense qu'un théâtre ne peut pas exister dans une société divisée. Il ne peut exister que dans une société divisée. Il ne peut exister que lorsqu'il y a conflit, divorce avec mes administrateur ou mes administrés (ce qui dépasse la notion de classes sociales), ma femme ou mon amante, mes enfants et moi, moi et mon ami, moi et moi-même. Il y aura toujours division et antagonismes. C'est-à-dire qu'il y aura division tant qu'il y aura de la vie. L'univers est en crise perpétuelle. Sans la crise, sans la menace de mort, il n'y a que la mort. Donc: il y a crise au théâtre seulement lorsque le théâtre n'exprime pas la crise. Il y a crise de théâtre lorsqu'il y a immobilité, refus de recherche; pensée morte, c'est-à-dire dirigée. 

Cet espèce d'absolutisme a quelque chose de rassurant. D'encourageant. Voire même de stimulant! Poser le théâtre (et l'art) comme étant une résistance face à l'adversité lui confère une grande liberté et une puissance d'actions.

Et sous ces quelques lignes (ici, je tombe en pleine extrapolation subjective, je sais!) peut se dégager un autre message: ça vaut le coup... peu importe les coups.

Alors le théâtre en crise? Oui, peut-être... puis après? 

vendredi 15 février 2013

Un bel objet!


Autre trouvaille au cours d'une pérégrination sur la rue Saint-Jean: Cent ans de théâtre par la photographie. Un ouvrage illustré paru en 1947, aux Éditions de l'Image.

Ce recueil - parce que c'en est un! - présente, avec une riche iconographie originale, les grands artistes du théâtre, les grands monstres sacrés de la scène de cette si prodigieuse fin du XIXième siècle :  Réjane, Julia Bartet (dont les photos sont admirables!), Rachel, De Max, Coquelin, Frédérick Lemaître, La Duse, Lucien Guitry, Mounet-Sully et des dizaines d'autres. Ces noms sont souvent revenus sur ce blogue, dans un billet ou un autre... et reviendront sûrement, avec toutes les nouvelles informations (et nouvelles images!) désormais en ma possession!

Chaque présentation est accompagnée de citations d'écrivains de l'époque. Des mises en contexte. Des opinions. Des critiques. Des descriptions d'un style qui ne se retrouve plus.

Un fort beau bouquin comme je les aime: poussiéreux qui ouvre une brèche sur un monde révolu... sur un monde qui, à l'époque même, portait les ferment d'une importante révolution théâtrale: l’avènement du metteur en scène!  

«Max et Jane veulent faire du théâtre»

Voici une petite séquence vidéo, vraisemblablement tournée en 1911 par René Leprince et Max Linder (qui interprète aussi le personnage principal, vedette d'autres œuvres... comme en fait foi - si cela se peut! - ce profil tiré de Wikipédia ) et produit par Pathé Frères, et qui s'intitule Max et Jane veulent faire du théâtre.



Le plus intéressant, dans ce petit film, ce n'est pas le jeu des acteurs à proprement parler (et encore moins l'histoire)... mais plutôt celui des spectateurs lors de la représentation, de ce travail choral outrancier et excessif!

Courteline par lui-même...


Il faut voir ces pages [en parlant de ses courtes pièces]... - Comment dirai-je, au juste? - ... une suite d'orchestre pour musique légère, un prétexte à faire évoluer, conformément à la logique de leur petite psychologie et autour de petites historiettes ayant de tout petits commencements, de tous petits milieux et de toutes petites fins, de tout petits personnages reflétant de leur mieux la philosophie je m'efforce de prendre gaiement les choses... 

C'est en ces termes que Courteline décrit son œuvre... lui qui ajoutait, moqueur ou réaliste? : Un acte, un seul acte, voilà ma mesure au théâtre. Que voulez-vous, je n'ai pas d'imagination. Les sujets qui s'offrent à mon esprit ne comportent pas de développement. Mes intrigues s'arrêtent courts après un acte.

jeudi 14 février 2013

Bonne St-Valentin!


En ce 14 février, je remets ici (parce que je l'ai déjà fait antérieurement) ce que je considère être la plus belle et la plus forte déclaration d'amour écrite pour le théâtre. Un amour non-partagé, peut-être... mais quand même le plus passionné.  Il s'agit de la troisième scène du premier acte de Phèdre (la pièce en entier devrait être ici), le personnage principal avoue sa flamme pour son beau-fils, Hippolyte.


Oenone
Que faites−vous, Madame ? et quel mortel ennui
Contre tout votre sang vous anime aujourd'hui ?

Phèdre
Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable
Je péris la dernière et la plus misérable.

Oenone
Aimez−vous ?

Phèdre
De l'amour j'ai toutes les fureurs.

Oenone
Pour qui ?

Phèdre
Tu vas ouïr le comble des horreurs.
J'aime... A ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J'aime...

Oenone
Qui ?

Phèdre
Tu connais ce fils de l'Amazone,
Ce prince si longtemps par moi−même opprimé ?

Oenone
Hippolyte ? Grands dieux !

Phèdre
C'est toi qui l'as nommé !

Oenone
Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !
O désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !
Voyage infortuné ! Rivage malheureux,
Fallait−il approcher de tes bords dangereux ?

Phèdre
Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Egée
Sous ses lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit, tourments inévitables.
Par des voeux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ;
De victimes moi−même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.
D'un incurable amour remèdes impuissants ! 
En vain sur les autels ma main brûlait l'encens :
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J'adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.
Je l'évitais partout. O comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi−même enfin j'osai me révolter :
J'excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ;
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, Oenone ; et depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence ;
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui−même à Trézène amenée,
J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné :
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C'est Vénus toute entière à sa proie attachée.
J'ai conçu pour mon crime une juste terreur.
J'ai pris la vie en haine et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire.
Je n'ai pu soutenir tes larmes, tes combats ;
Je t'ai tout avoué ; je ne m'en repens pas,
Pourvu que de ma mort respectant les approches,
Tu ne m'affliges plus par d'injustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler.

Je le réaffirme: un jour, je monterai cette pièce... c'est là, sans doute, mon plus grand fantasme de metteur en scène. Des personnages grandioses, excessifs! Une écriture rhytmique qui procure un souffle, une dynamique rarement égalés...

De la décentratlisation dans la représentation...


Voici, en liminaire, une description de ce que serait le cadre du théâtre contemporain. Elle est posée dès le premier paragraphe (p.9) de Théâtres du XXIe siècle: commencements (publié chez Armand Colin en 2012) et a le mérite, contrairement à beaucoup d'autres ouvrages du même type, d'atteindre une certaine clarté, notamment en ce qui a trait à la décentralisation de la représentation et au rapport avec le spectateur... 

Le théâtre raconte encore, même quand il ne s'en donne plus l'air, même quand il fait mine de radoter ou de ressasser, de tourner le dos aux beaux sujets. Même quand ses spectateurs s'étonnent de ne pas tout comprendre, ou d'apprécier le lendemain ce qu'ils auraient voulu saisir le soir même. Fables en mineur, fables en creux, fables intermittentes, fables trop belles pour être honnêtes, récits dont les conflits visibles ont disparu. Ici l'inquiétant acquiescement a remplacé l'affrontement en face-à-face, ici la digression perpétuelle tient lieu de centre, ici l'éblouissante transparence inquiète celui qui voulait pourtant tout savoir, ici un narrateur omniscient a remplacé les partenaires du dialogue alterné, et la simultanéité sert d'unique présent.

Le reste du bouquin sera-t-il de cette nature? Difficile à dire...

Je trouve fort intéressants tous ces théoriciens qui tentent de (re-)définir le théâtre d’aujourd’hui au-delà de cette vision téléologique imposée par les tenants du postdramatique. Le théâtre a-t-il tant changé (outre ses moyens techniques)? Toutes les réponses sont bonnes. Et c’est cela qui est formidable!

mercredi 13 février 2013

Nouvelles acquisitions!

Après l'intense projet que fut cet Orphée aux enfers (expérience qui fera assurément l'objet d'un billet dans les jours à venir vue la quantité de sujets qu'elle m'offre!), une petite virée dans la Capitale Nationale était de mise. Et c'est, à chaque fois, l'occasion de rafraîchir ma bibliothèque... et du coup, mes réflexions et, éventuellement, les entrées de ce blogue.

Aujourd'hui, donc, deux nouveaux bouquins prendront place sur ma table de chevet (ou, plus réalistement, sur tout autre meuble de la maison!) en attente d'être lus.


Le premier - du bonbon! - est un recueil de courtes pièces de Courteline. Voici l'un de mes auteurs fétiches. Dans un genre qui me fascine par son côté mécanique et hyper construit, le vaudeville... enfin, le théâtre de boulevard. Tout me plaît: sa contemporanéité avec les grands mouvements artistiques (la crise du drame et ses suites tel l’avènement du metteur en scène), son contexte historique...! C'est, en quelque sorte, une époque charnière comme il y en aura peu dans toute l'histoire dramatique.

Par ailleurs, le répertoire courtelinien commence à m'être assez connu... et je me promets bien, d'ici quelques années, d'en faire un spectacle estival incisif et décapant! 


Le second ouvrage est d'un autre ordre. De Julie Sermon et Jean-Pierre Ryngaert, voici Théâtres du XXIe siècle: commencements. Une nouvelle analyse du théâtre tel qui se pratique aujourd’hui... comme en fait foi cette quatrième de couverture: Au tournant des deux siècles des mouvements de transformation dans les pratiques théâtrales paraissent assez puissants pour dessiner de nouvelles lignes de force et introduire dans les manières d’écrire, de dire et de faire du théâtre des changements durables. 

Dans ce texte à deux voix, Jean-Pierre Ryngaert analyse les principales mutations qui ont marqué les « fabriques d’écriture » et les « façons de raconter » des histoires. Julie Sermon, dans une partie intitulée « Le vivant et la technique », examine les renouvellements des formes de jeu, de narration et de représentation, liés aux dialogues que les auteurs et les praticiens de la scène instaurent avec les langages et les outils propres à leur environnement technologique. 

L’approche dramaturgique et pédagogique commune propose au lecteur des entrées multiples afin de saisir et questionner les enjeux d’une réalité théâtrale qui s’est considérablement diversifiée. 

Du plaisir et de la réflexion. C'est là tout le merveilleux de ce métier!

samedi 9 février 2013

«Orphée aux enfers»... [Carnet de mise en scène]

Entre le dernier billet (paru le 18 janvier) et celui-ci, il y a tout un monde... tout un spectacle. Une vingtaine de jours d'un travail intensif (dans lequel je fus complètement et entièrement submergé!), du début des répétitions avec les solistes jusqu'à la dernière représentation d'aujourd'hui...

Une production qui s'est déroulée dans la rigueur... mais aussi et surtout dans le plaisir, les rires... Avec une solide (et fort sympathique!) distribution professionnelle: 


En ordre: Aline Kutan (Euridyce), Antonio Figueroa (Orphée), Jacques Olivier Chartier (Aristée/Pluton), Patrick Mallette (Jupiter), 
Renée Lapointe (Opinion Publique), Sabrina Ferland (Cupidon), Richard-Nicolas Villeneuve (Mercure/ John Styx), 
Aude Gauthier-Martel (Diane), Dyane Doré (Junon) et Stéphanie Lapointe (Vénus)

Et une équipe de conception fantastique!

De belles rencontres qui font oublier les problèmes survenus durant le parcours (je parle ici du fumant dossier de l'ignifugation des décors qui m'ont donné un sérieux coup de déprime... et du report de notre entrée en salle qui a comprimé un horaire de travail déjà fort condensé)...