mercredi 21 décembre 2011

Pourquoi se forcer?


À l'approche des Fêtes - perdu en plein Burlington, au Vermont! - je délaisse un peu les théories et recherches pour replonger de nouveau dans le bouquin (virtuel... qu'on peut retrouver sur Google Books en cliquant sur l'image), Les secrets de coulisses des théâtre de Paris écrit en 1865 par Joachim Duflot. Son ouvrage, sous forme de dictionnaire, renferme toute une série d'anecdotes croustillantes, surprenantes ou franchement cruelles qui donnent toute la mesure de ce qu'a été (et qu'est toujours!) le théâtre...

Comme cette petite historiette, monument de résignation... ou de paresse?

Aplomb. — L'aplomb tient lieu quelquefois de talent, et supplée souvent au manque de mémoire. Philippe, qui créa M. Jovial, était un acteur type comme aplomb.

Un acteur de province, d'un médiocre talent, trouvait chaque année le moyen de tomber trois fois dans trois villes différentes
[nda.: métaphore judéo-chrétienne pour signifier qu'il n'arrivait jamais, devant le public bruyant et insatisfait, à se rendre à la fin de son rôle]; aussi ne se donnait-il plus la peine d'étudier ses rôles. Il savait les deux premiers actes de chaque pièce, assuré d'avance que le public l'empêcherait d'achever l'ouvrage; mais le hasard voulut qu'à Poitiers, le public inattentif se montrât bienveillant. Il jouait Burrhus dans Britannicus et on comprendra facilement son embarras quand le troisième acte commença. Que fit-il? Il s'avança résolument sur le bord de la rampe et dit au public: « Messieurs, j'ai eu l'honneur de jouer la tragédie à Angoulême, à Mâcon, à Bourges, à Grenoble et dans d'autres villes, et, je dois l'avouer, je n'avais rencontré nulle part un accueil aussi bienveillant; depuis dix ans, jamais je ne pouvais achever mon premier début; aussi je ne me donnais pas la peine d'apprendre plus de deux actes de chaque pièce. Mais puisque vous y mettez de l'indulgence, je vous promets d'apprendre les trois derniers actes pour la semaine prochaine. » Cet aplomb déconcerta le parterre qui se prit à rire, et l'acteur devint en peu de temps l'idole du public.

C'est pour toutes ces histoires que j'aime le théâtre.