mercredi 12 octobre 2011

Pour une éthique du comédien...


Photo anthropométrique de Meyerhold prise en 1939 lors de son arrestation.

Voici une petite anecdote (suivi, bien entendu, de sa petite morale théâtrale qui devrait - au risque de tomber dans le dogmatisme! - s'ériger en vérité dramatique...) racontée par Meyerhold, le 5 janvier 1939 lors d'une intervention aux Réunions de la section mise en scène du VTO (Société théâtrale pan-russe)... soit quelques semaines avant son arrestation, le 20 juin de la même année (et il sera fusillé quelques mois plus tard). Une petite historiette sur un comédien qui refuse un rôle par authenticité...

[Il faut expliquer, dès le départ, son plan de mise en scène à toute l'équipe (concepteurs et comédiens)] même si l'un des acteurs jette son rôle à la figure du metteur en scène, comme cela m'est arrivé une fois quand Apollonski m'a rendu le rôle après mon explication en me disant: «Je ne participe pas à de telles choses». J'ai d'abord été décontenancé. Je n'étais alors qu'un gamin [au milieu des années '10], et lui, c'était un géant du théâtre. Mais ensuite, je me suis réjoui, et je dis maintenant: tant mieux si 90% des acteurs jettent leur rôle à la figure du metteur en scène. Au moins, il n'y aura par la suite aucun malentendu. Les acteurs qui resteront avec moi travailleront. Autrement, il arrive qu'un acteur se taise pour des raisons diverses, tout en s'opposant à moi de toute son âme. Il veut être libre le soir pour tourner des films, il supporte, mais au fond il n'est pas avec moi. Il vaut mieux que de tels acteurs s'en aillent tout de suite, en revanche, ceux qui restent se donneront au travail de toute leur âme.

Comme metteur en scène, c'est peut-être la chose la plus éprouvante que d'avoir à littéralement tirer un comédien qui ne semble aller que de reculons... de se sentir qu'on accepte un rôle que par dépit... d'avoir à contrer cet état (enfin, cette impression...) qui gruge l'atmosphère, l'équipe et, en bout de ligne, le résultat scénique. Et ça arrive...