vendredi 30 septembre 2011

Quand s'arrête le travail d'un metteur en scène?


La question m'a été posée, de façon plus personnelle, sur mon opinion, il y a quelques jours, par une collaboratrice à venir. Pour ma part, j'estime que ce travail ne se termine pas avec la première mais, au contraire, s'amplifie jusqu'à la dernière... et même au-delà. Parce qu'à mon avis, chaque metteur en scène a l'obligation morale de revenir sur sa production dans une analyse rigoureuse et franche.

Feuilletant de nouveau dans les Écrits sur le théâtre (tome II, p.279) de Meyerhold (que ferais-je sans lui...), je viens de tomber sur ce passage qui répond de même:

Le metteur en scène a construit le spectacle; cette construction terminée, il se retire d'ordinairement pour se reposer, il considère son travail comme achevé. Nikolaï Nikolaïevitch Evreïnov [...] disait toujours: «Tout ce que je demande, c'est de mener le spectacle jusqu'à la première, et après, je ne mets plus du tout les pieds au théâtre.» Cela a éveillé mon intérêt. Pourquoi fuit-il ainsi la suite de son travail? Pourquoi ne reste-t-il pas au théâtre et ne considère-t-il pas que son travail, au fond, ne fait que commencer? Il répond: «C'est que quand je pars, part avec moi, en ma personne, un chef d'orchestre. Comme je ne peux pas diriger effectivement mon spectacle, rester ne servirait qu'à me rendre malheureux. Car je verrais mon projet initial s'éparpiller peu à peu aux quatre vents.»

[...] Qu'un metteur en scène considère son travail comme achevé dès la première représentation, voilà qui est dangereux. Car, pour le metteur en scène, la partie la plus importante de son travail commence quand il tient compte de la salle pour laquelle il construit son spectacle.

C'est un travail très compliqué. La modification de certains détails de la construction, la prise en compte du temps et celle des réactions de la salle, l'état dans lequel se trouve l'acteur sur scène, les sérieux ennuis qu'amènent parfois des jeux de scène construits de façon peu commode pour l'acteur, tout ce qui se révèle surtout lors des représentations et non pas aux répétitions - autant d'éléments qu'il faut prendre en considération et dont il faut tenir une sorte de relevé.