jeudi 29 septembre 2011

«Il faut qu'une porte...»... [Carnet de mise en scène]


Après la reprise de La Défonce, au Théâtre Mic Mac (enfin, à Mont-Laurier et aussi à Orsay... il est si bon de le dire!), je m'apprête à remettre en chantier, reprendre les répétitions de ce qui fut, il y a six ans, mon projet de fin de maîtrise en vue de sorties... Un travail stimulant parce que mûri. Un travail approfondi sur de nouvelles bases, de nouvelles réflexions, de nouvelles connaissances.

Il s'agit d'une version démonstrative d'Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée d'après Alfred de Musset définissant un certain type de jeu (à partir de Meyerhold... quelle surprise!) . Une petite pièce en un acte... ou plutôt, un proverbe dramatique. Tout le texte originel a été nettoyé de ses accents romantiques, historiques, de sa dentelle stylistique pour ne garder qu'une mécanique de valse-hésitation, de duel verbal entre deux personnages dépersonnalisés. Un texte amusant sur la superficialité de l'amour, sa futilité et son aveuglement...

Cette reprise se fera sous l'égide du Théâtre 100 Masques (avec quelques représentations tout au cours du travail...) avec essentiellement la même équipe réduite qu'à l'époque: Isabelle Boivin et Marc-André Perrier.

LA FEMME
[...]Qu’est-ce que signifie cette chose-là : faire la cour à une femme ?

L’HOMME
Cela signifie que cette femme vous plaît, et qu’on est bien aise de le lui dire.

LA FEMME
Et cette femme, cela lui plaît-il, à elle, de vous plaire ? Vous me trouvez jolie, je suppose, et cela vous amuse de m’en faire part. Eh bien, après ? Qu’est-ce que cela prouve ? Est-ce une raison pour que je vous aime ? La belle manière de se faire aimer que de venir se planter devant une femme, de la regarder des pieds à la tête, comme une poupée dans un étalage, et de lui dire bien agréablement : Madame, je vous trouve charmante ! Joignez à cela quelques phrases bien fades, et un cornet de bonbons, voilà pourtant ce qu’on appelle faire la cour. Cela me met en colère quand j’y pense.

L’HOMME
Il n’y a pourtant pas de quoi se fâcher.

LA FEMME

Ma foi, si. Il faut supposer à une femme une tête bien vide et un grand fonds de sottise, pour se figurer qu’on la charme avec de pareils ingrédients. Il me semble, en vérité, que, si j’étais homme et si je voyais une jolie femme, je me dirais : Voilà une pauvre créature qui doit être bien assommée de compliments ; je l’épargnerais, j’aurais pitié d’elle, et, si je voulais essayer de lui plaire, je lui ferais l’honneur de lui parler d’autre chose que de son malheureux visage. Mais non, toujours : « vous êtes jolie, » et puis « vous êtes jolie », et encore jolie. Eh ! mon Dieu, je le sais bien.


L’HOMME
Eh bien ! madame, vous êtes charmante, prenez-le comme vous voudrez.
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Voici la description concrète de ce spectacle qui a fait l'objet de l'essai (qu'on peut lire en suivant ce lien) et qui servira de matière première au travail à venir...

Écrite en 1848 par Alfred de Musset, la pièce en un acte Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée est, en fait un proverbe dramatique. Cette forme particulière n'était, à ses débuts au XVIIIième siècle, qu'un divertissement de salon, où les acteurs se prêtaient au jeu de faire deviner aux spectateurs le proverbe qu'illustrait l'intrigue. Musset a su, en son temps, faire évoluer le genre et en faire de petites pièces brèves, calculées suivant une mécanique interne forte que supportaient le texte et ses tribulations. Presque un prélude aux vaudevilles qui suivirent.

Cette pièce raconte (du moins dans la forme scénique dont il est ici question) la rencontre orageuse entre une marquise blasée et un comte entreprenant. S'ensuit un huis clos tendu, véritable duel de conceptions amoureuses, entre glace et feu, où chaque mot risque de tout faire éclater et où chaque rapprochement ne se fait qu'en fonction de mieux cibler l'autre. C'est une «valse-confrontation » entre départs fracassants et retours inopinés. Esquisse caricaturale de l'indifférence, de l'insistance et/ou de l'opportunisme qui déterminent parfois les échanges interpersonnels.

La pièce, d'une vingtaine de minutes, est jouée sur un plateau central, carré (360cm x 360cm) et surélevé (105cm). Noir, celui-ci ne supporte qu'un seul accessoire : un cube noir servant de banc (60cm x 60cm x 120cm). Les costumes des personnages, simples, sont également noirs. Quatre sources lumineuses seulement éclairent la scène. Le public est libre de circuler tout autour de l'aire de jeu.

À noter qu'une première ébauche de la production a été présentée devant public les 8 et 9 décembre 2004 au Studio-Théâtre de l'UQAC, avant d'être présentée dans sa forme finale les 15-16 et 17 mars 2005, toujours au même endroit.