vendredi 30 décembre 2011

Les critiques de théâtre en activité au Québec

 
Voici la liste ds critiques de théâtre en activité dressée par l'Association Québécoise de Critiques de Théâtre (AQCT) et publiée sur leur page Facebook... et j'en suis (à la fin)!

24h / www.24hmontreal.canoe.ca
Pascale Gauthier

98.5 FM / www.985fm.ca
Émilie Perreault

L’Actualité / www.lactualite.com
André Ducharme

L’Aut’journal / www.lautjournal.info
Marie-Paule Grimaldi

The Charlebois Post / www.charpo.blogspot.com
Gaetan L. Charlebois 

CIBL / www.cibl1015.com
Marie-Paule Grimaldi
Anne-Marie Grondin

CKRL (Québec) / www.ckrl.qc.ca
Robert Boisclair
Jacqueline Bouchard
Hélène McClish

CKUT / www.ckut.ca
Marie-Andrée Parent
Estelle Rosen

Le Délit / www.delitfrancais.com
Katia Habra

Le Devoir / www.ledevoir.com
Michel Bélair
Alexandre Cadieux
Philippe Couture
Marie Labrecque
Sylvie Nicolas (Québec)

Le Droit / www.cyberpresse.ca/le-droit
Maud Cucchi

Esse / www.esse.ca
Catherine Cyr

Être / www.etremag.com
François Bernier

The Gazette / www.montrealgazette.com
Pat Donnelly

Hour Community / www.hour.ca
Anna Phelan

Jeu / www.revuejeu.org
Patricia Belzil
Raymond Bertin
Étienne Bourdages
Marie-Andrée Brault
Alexandre Cadieux
Philippe Couture
Catherine Cyr
Hélène Jacques
Christian Saint-Pierre
Michel Vaïs
et
Daphné Bathalon
Hélène Beauchamp
Johanne Bénard
Jacqueline Bouchard (Québec)
Françoise Boudreault
Josianne Desloges (Québec)
Yves Doyon
Hervé Guay
Yan Hamel
Marie-Christiane Hellot
Aurélie Olivier
Pierre Popovic
Brigitte Purkhardt
Lucie Renaud
Alain-Martin Richard (Québec)
Louise Vigeant

Le Journal de Montréal / www.lejournaldemontreal.canoe.ca
Benoit Aubin
Louise Bourbonnais
Judith Plamondon

Le Journal de Québec / www.lejournaldequebec.canoe.ca
Denise Martel

Métro Montréal / www.journalmetro.com
?

The Mirror / www.montrealmirror.com
Neil Boyce

MonThéâtre.qc.ca / www.montheatre.qc.ca
Daphné Bathalon
Olivier Dumas
Sara Fauteux
David Lefebvre
Odré Simard (Québec)
Mélanie Thibault
Sophie Vaillancourt Léonard (Québec)

Montréal Campus / www.montrealcampus.ca
Carl Desharnais-Gervais
Thomas Dupont-Buist

Montréal Express / www.montrealexpress.ca
Simon Laroche

Nightlife / www.nightlife.ca
Marine Anaïs

Pieuvre.ca / www.pieuvre.ca
Hugo Prévost


La Presse / www.cyberpresse.ca
Luc Boulanger
Jean Siag
Alexandre Vigneault

Le Quatrième / www.lequatrieme.com
Yves Rousseau

Radio-Canada / www.radio-canada.ca
Valérie Cloutier (Québec)
Claude Deschênes
Jean-Sébastien Girard
Francine Grimaldi
Isabelle Guilbeault (Québec)
Karyne Lefebvre
Annie-Soleil Proteau
Mélanie Riendeau (Gatineau)
Katerine Verebély

Radio Centre-Ville / www.radiocentreville.com
Nathalie de Han

La Revue (Gatineau) / www.info07.com
Patrick Voyer

Sage Gamin / www.sagegamin.blogspot.com
Samuel Larochelle

Le Soleil / www.cyberpresse.ca/le-soleil
Josianne Desloges
Éric Moreault

Spirale / www.spiralemagazine.com
Gilbert David
Hervé Guay

Télé-Québec / www.telequebec.tv
Elsa Pépin

Voir / www.voir.ca
Sophie Joli-Coeur
Marie Laliberté (Québec)
Claudia Larochelle
Dario Larouche (Saguenay/Alma)
Josiane Ouellet (Québec)
Elsa Pépin
Jean-Thomas Tremblay (Gatineau)



Sur nos scènes (et dans le milieu!) en 2011...


Et on continue au chapitre des bilans...

2011, c'est, selon le billet d'hier, 24 productions locales originales et plus d'une douzaines de reprises (de productions locales, toujours...) dans différents contextes: en salle fixe pour une nouvelle série de représentations, sorties uniques, sorties dans le cadre de festivals, tournée québécoise et canadienne. Une année encore chargée pour une région dite éloignée...

2011, c'est, en ce sens, l'année «Patrick Simard», «Vicky Côté» et «Mélanie Potvin»... alors que ces comédiens ont enchaîné les projets tout au fil des mois, pour diverses compagnies...

2011, c'est le lancement, lors de la journée mondiale du théâtre,  après plusieurs mois de gestation, de la vidéo promotionnelle commune à sept des huit compagnies de théâtre au Saguenay avec, pour slogan, Saguenay, des théâtres à fréquenter! (qu'on peut retrouver ici)...

2011, c'est le lancement de la carte privilège offerte à moindre prix (5$) à tous les travailleurs culturels, leur octroyant un rabais (souvent le prix étudiant) chez les compagnies participantes...

2011, c'est la tenue du premier Forum sur le théâtre au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en juin dernier (on peut retrouver les documents ici), où près d'une soixantaine de personnes se réunissent pour discuter du théâtre. Une première édition qui, bien qu'un peu décevante sur les discussions, permet néanmoins de dégager huit enjeux qui seront repris, à compter de l'automne, par divers comités pour faire évoluer les choses. Un autre forum est prévu au printemps 2012 pour faire le point...

2011, c'est la fin définitive des Aventures d'un Flo et la résurrection de La Fabuleuse histoire d'un Royaume, après quatre ans d'absence. L'ère des grands spectacles pourra-t-elle reprendre un élan qui semble faire défaut? (En ce sens, toujours, Ecce Mundo annonçait, il y a quelques jours, qu'un comité se réunirait bientôt pour décider du sort de cette autre grande revue saguenéenne...)...

2011, c'est l'été où Arthur Villeneuve reprend vie sous les traits de Benoît Lagrandeur (dans la production du CRI La Légende d'Arthur) alors qu'Hélène Bergeron remonte sur scène après plusieurs années d'absence pour incarner son épouse...

2011, c'est une année assez stable dans les différentes administrations des différentes compagnies... si ce n'est du départ de Jean-François Caron de la Rubrique et l'arrivée de Stéphane Boivin aux communications du même organisme.

2011, c'est l'année des améliorations locatives au Petit Théâtre de l'UQAC de même qu'au Studio-Théâtre...

2011, c'est l'année où le Mérite scientifique régional crée un prix pour les arts et la culture, le prix François-Brassard, et dont Rodrigue Villeneuve devient le premier bénéficiaire en reconnaissance de son implication dans la constitution d'un milieu culturel professionnel...
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2011, c'est peut-être autre chose que j'oublie... en ce cas, on peut les ajouter par le biais des commentaires...

jeudi 29 décembre 2011

Sur nos scènes en 2011...


Comme à chaque année, je profite des derniers jours de décembre  pour dresser le bilan de l'année qui s'achève. Je débute donc par faire la recension (la plus exhaustive possible... à partir des calendriers hebdomadaires publiés sur ce blogue) de toutes les productions régionales (à caractère professionnelles... et j'inclus ici les productions universitaires qui sont, en quelques sortes le prélude à bien des démarches et les productions dites amateures d'envergure) qui ont marqué le paysage théâtral régional en 2011.

Pour marquer d'un simple regard les différentes catégories qui émaillent cette liste, je propose donc cette petite légende: les productions professionnelles et recherches, les productions de loisirs et autres événements, les productions académiques.

Voici donc avec les productions locales (excluant pour le moment les reprises)...: 

Les sens (La Rubrique)
Le Contre Cabaret (Faux Coffre)
Silence majuscule (UQAC-BIA-William Gagnon)
Je fais mon chemin (UQAC-BIA-Gabrielle Noumeir-Gagnon)
La foire aux femmes (UQAC-BIA-Sophie Châteauvert)
Que l'inoubliable se pende (UQAC-BIA-Élaine Juteau)
Recto-Verso (collectif)
Antigone (100 Masques)
La Visite ou surtout sentez-vous pas obligé de venir (Mic Mac)
La Tempête (UQAC-BIA-Production)
La route des milles et une histoires (Jimmy Doucet)
La légende d'Arthur Villeneuve (CRI)
L'Affaire de la rue Lourcine (100 Masques)
Oh! Cabaret (collectif)
La fabuleuse histoire d'un Royaume (Ville Saguenay)
Couples (St-Félicien)
Fausser (Les Poulpes)
Binômes (UQAC-Chaire)
Le Bain (UQAC-Maîtrise-Erika Brisson)
Pour la fuite des choses (CRI-À Bout Portant)
L'Hôtel du Libre Échange (Têtes Heureuses)
L'éclaireur (Amis de Chiffon)
Porosité-La densité de la matière (UQAC-Maîtrise-Anick Martel)
On se casse les noisettes (100 Masques)

À ces productions locales s'ajoutent les différentes reprises qui ont ponctué le calendrier de même que les sorties et les tournées:


Les lectures de Diogène (Faux Coffre)
En attendant l'dégât d'eau (Faux Coffre)
Trac: ma vie en théâtrascope (Faux Coffre)
Le conte bancaire de Piedestal (Faux Coffre)
Carton rouge sur carré vert (Amis de chiffon)
Le déclin des soleils de glace (À Bout Portant)
Rage (À Bout Portant)
Kiwi (Tortue Noire)
Le Petit Chaperon Rouge en huit minutes ralenties (Tortue Noire)
Le Grand Oeuvre (Tortue Noire)
La Défonce (Mic Mac)
Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée (100 Masques)
Une maison face au Nord (La Rubrique)

Ça donne pas mal le ton de l'année qui prendra fin dans quelques heures. Peut-être ai-je oublié quelques productions en chemin... si c'est le cas, il est possible de les ajouter par le biais des commentaires. Une chose est sûre: ce que j'ai pu en manquer, de ces productions!


mercredi 28 décembre 2011

Sur les saluts des comédiens...



Petit trait d'humour (tout aussi drôle que véridique!) venu du savoureux Petit lexique amoureux du théâtre par Philippe Torreton portant essentiellement sur le salut des comédiens à la fin d'une représentation. Sa description replongera assurément plusieurs artisans dans de nombreuses situations vécues dans diverses productions!

Salut: [...] Les saluts s'organisent toujours au dernier moment, par superstition, sans doute. C'est chiant comme un plan de table et, comme avec les plans de table, vous faites toujours des déçus.

C'est un casse-tête qu'il faut solutionner en peu de temps et dans la tension des derniers instants de répétition.

Pour les premiers saluts, les rôles principaux se retrouvent généralement au milieu, même s'ils font semblant de vouloir le contraire, suivis par les autres personnages en ordre d'importance jusqu'aux petits rôles en bout de ligne qui font tout aussi semblant de trouver ça normal de se retrouver en bout de ligne.

Pour les suivants, il est prévu plusieurs chorégraphies plus ou moins assumées par les acteurs afin de varier l'ordre, et, dans un élan de générosité divine, que les derniers se retrouvent les premiers. [...]

Et ça se poursuit avec la description des différents types de comédiens et de leur(s) pensée(s) durant cet exercice rituel... À lire et relire!

mardi 27 décembre 2011

La Duse


 Parmi les grandes actrices de l'histoire universelle du théâtre se retrouve une autre contemporaine (italienne) de l'époque de Sarah Bernhardt: Eleonora Duse. 

Voici une petit vidéo (en italien...) avec images de cette grande dame... après un petit passage par le Dictionnaire encyclopédique du théâtre de Michel Corvin:

DUSE Eleonora (Vigevano 1858 - Pittsburg, Pennsylvanie 1924). Comédienne italienne condidérée comme la plus grande actrice de son époque, et, mythiquement, de tous les temps. Rivale de Sarah Bernhardt, pour laquelle elle garda toujours une admiration profonde.

[...] Dépourvue de tous les moyens physiques et vocaux que l'on demandait à une grande actrice («elle n'a rien que son génie», dit Shaw), son jeu impressionna les contemporains. On voyait en elle le modèle non seulement de la nouvelle comédienne, mais aussi de la femme moderne, chétive et névrosée. En effet, on n'arrivait pas à distinguer dans son jeu mélangé d'artifice et de réalité absolue ce qui revenait au rôle et ce qui, au contraire, appartenait à la femme dont les souffrances et surtout le douloureux vide spirituel s'étalaient au grand jour sur la scène. [...]


Enfin, une petite anecdote tirée du recueil Gens de théâtre que j'ai connus, de Michel Georges-Michel paru au début des années 40, où il raconte sa dernière rencontre avec la Duse (morte en 1924) et sa visite au cimetière.

Le peintre italien Piero Tolentino m'a conduit, plus tard à Asolo, ville natale de la Duse, et m'a montré sa tombe.

C'est sur un promontoire, qui, d'un côté domine toute la Venitie jusqu'à la mer. Mais la pierre est tournée vers le monte Grappa où s'accrocha la résistance italienne, pendant la guerre de 1914-1918.
 
Quelques cyprès, une dalle avec ce nom: ELEONORA DUSE.

- Elle a elle-même choisi la place, nous dit le vieux gardien du cimetière, la place exacte où elle aimait à méditer durant des heures. Depuis sa mort, il est venu ici plus de monde que depuis qu'Asolo existe.

- Et simplement son nom, Duse, sur cette pierre? Pas même une date?

- Inutile: elle est dans l'éternité.

lundi 26 décembre 2011

Le plus important...

J'aime bien ces passages (pp.198-200) tirés de l'[auto]biographie d'André Brassard - tout simplement titrée Brassard - écrite par Guillaume Corbeil (mais à la première personne...) où l'incontournable metteur en scène québécois décrit sa vision du théâtre... et plus spécialement, des relations entre ses artisans. Une vision simple qui ne se dément pas... et qui conforte les choix que je peux faire.


Le théâtre exige une grande générosité sur le plan émotif, un état d'impudeur presque total. De la part du metteur en scène et des acteurs. Travailler sur un texte, on fait ça  à âme ouverte [...]. Avec pour résultat des rencontres souvent exceptionnelles et même de très grandes amitiés. [...]

Je dois dire qu'un des grands privilèges d'être metteur en scène, c'est de pouvoir choisir avec qui on travaille. On s'entoure des gens qu'on aime, et nos affinités sont souvent bien plus importantes que leurs aptitudes techniques ou leur spécialisation professionnelle. Bien sûr on veut qu'au final le spectacle soit bon. Mais pour ça, il ne suffit pas de réunir tous les plus grands spécialistes de chaque domaine: le meilleur acteur pour jouer tel type de personnage, le meilleur scénographe, le meilleur éclairagiste, le meilleur costumier... Monter un spectacle, ce n'est pas du côté technique que ça se passe. Pendant plusieurs semaines, on va littéralement vivre avec certains individus. Ce qui se passe entre les êtres [...], ce sera toujours plus important que le reste.

Je trouve que c'est là une belle leçon. Et on revient à l'idée de la prédominance du plaisir dans ce métier: plaisir collectif, plaisir du texte, plaisir de la scène. Les irritants n'ont pas leur place.

vendredi 23 décembre 2011

Les inconvénients de faire un boeuf à deux...



Le titre du présent billet est aussi le sous-titre d'un chapitre fort édifiant des Anecdotes de théâtre: comédiens-comédiennes; bons mots des coulisses et du parterre recueillis par Louis Loire, en 1875. Un petit divertissement à l'aube (enfin, dans quelques heures...) des festivités...

Le domestique de Favart, passionné pour le théâtre, voulait absolument jouer la comédie. On lui fit représenter la moitié d'un bœuf dans une parodie de l'opéra de Thésée. Expliquons-nous:

La monture du héros était le Bœuf gras, figuré par une machine de carton qui se mouvait au moyen de deux hommes renfermés dans son intérieur; le premier un peu incliné, le second la tête appuyée sur la chute des reins de son camarade.

Léger — c'était le nom de ce domestique-artiste— avait obtenu l'honneur de «jouer» le rôle des «jambes de devant». Par malheur, pour atténuer les émotions d'un début, le gaillard avait copieusement dîné, et la position que nous avons décrite ne lui permit pas de retenir une flatuosité qui faillit suffoquer son «suivant». Celui-ci, dans un mouvement de colère et pour se venger de l'effet sur la cause, mord ce qu'il trouve sous ses dents. Léger pousse un rugissement et, par un brusque mouvement, se soustrait à ce supplice; le bœuf se sépare en deux, et le superbe Thésée tombe tout de son long sur la scène.

Il n'y a pas besoin de dire que la représentation fut gravement compromise.
 
Qui n'a pas eu cette idée quand il a devant les yeux un tel costume à double incarnation? 

jeudi 22 décembre 2011

«La Marmite» [Carnet de production]


Nouvel intitulé de billets, parce que je ne signerai pas la mise en scène de la prochaine production estivale du Théâtre 100 Masques. Non. J'ai confié les rênes - ou plutôt l'anse! - de La Marmite de Plaute à Élaine Juteau, qui a terminé l'an dernier au BIA en théâtre de l'UQAC. 

Et aujourd'hui, après qu'elle ait fixé ses besoins et qu'on ait fait quelques appels, je peux annoncer officiellement la distribution de ce prochain spectacle tout féminin, encore une fois... : Isabelle Boivin, Émilie Gilbert-Gagnon, Cynthia Bouchard, Valérie Essiambre, Marilyne Renaud et Andrée-Anne Giguère.

Cette gang de filles se lanceront donc dans la comédie antique... la seconde de la compagnie (après L'Assemblée des femmes d'Aristophane, il y a deux ans).
Pour ma part, j'agirai à titre de concepteur esthétique (l'équipe reste à combler pour le moment) et, bien entendu, à titre de directeur artistique (et, par extension, à titre de producteur). 

D'où le glissement de [Carnet de mise en scène] à [Carnet de production].

Pour terminer, ça n'a absolument aucun rapport, mais voici le vidéo du grand succès de Dario Moreno, La Marmite.



Une histoire du théâtre au Québec...


 Voici, en quelques mots brefs (et réalistes), l'histoire du théâtre au Québec (et  sa conséquence... soit  la «place» qu'il occupe dans l'imaginaire collectif), par Jacques Lacoursière et Claude Bouchard, dans Notre histoire: Québec-Canada, paru dans les années 60.

L'histoire du théâtre canadien, tant d'expression française qu'anglaise, est désespérément triste, parce qu'avant le début du second quart du vingtième siècle, la faveur populaire va aux divertissements de scène les plus disparates et rien ne s'arrange pour cet art, après l'arrivée du cinéma. La conclusion la plus dramatique est que les édifices construits pour le théâtre sont transformés, pour la plupart en salles de cinéma.

Traitant de ces transformations, le critique Jean Béraud écrit en parlant de Montréal après 1908: «C'est d'ailleurs par toute la ville une épidémie monstrueuse de 'scopes' et de 'graphes': Ouimetoscope, Nationoscope, Vitoscope, Readoscope, Rochonoscope, Mont-Royaloscope, Bodet-o-scope et, ancêtre du cinéma de Paris, le Pariscope».

Au Canada anglais, on ne compte, avant 1930, qu'un seul véritable dramaturge.

Celui-ci. Merrill Denison, excelle dans des pièces en un acte dans lesquelles il tente de démythifier les types jusqu'à ce moment présentés sous les diverses facettes du romantisme, de la grandeur d'âme, du courage, etc. L'œuvre de Denison entre de plain-pied dans le réalisme de l'époque où. cette fois, les mères et pères se font rouler par un fils sans scrupules. Denison s'oppose aux idées reçues et, à ce titre, on peut parler de lui comme d'un novateur. Michael Tait, dans son étude du drame, parle ainsi de Marsh Hav, la pièce de Denison qu'il considère comme étant la plus réussie: «En général, Denison évite de porter un jugement. La malpropreté et les tentatives pour échapper à la promiscuité sexuelle, les mœurs bigotes et perverses de la petite communauté, la rupture complète des relations humaines dans la famille, sont des conditions dont on ne doit blâmer personne en particulier, mais pour lesquelles on ne propose point de solution (...). C'est sans contredit la meilleure pièce canadienne de la décennie».

Il est peut-être intéressant de noter la naissance de nombreuses troupes de théâtre, à Toronto, à Montréal et à Ottawa, qui contribuèrent à la formation d'excellents acteurs qui durent toutefois émigrer, pour plusieurs, aux États-Unis, faute de quoi nourrir leur talent. Parmi ceux-là: Mary Pickford, Margaret Anglin, Walter Huston et Raymond Massey.

Quant au théâtre d'expression française, il est encore, après la guerre, à la remorque du théâtre français. L'absence de dramaturges québécois se fait de plus en plus pénible, puisque, dans les autres arts, se trouvent des personnes qui ont voulu refléter la personnalité propre aux Canadiens. Les comédiens pourtant ont une réelle valeur. Signalons Henri Poitras, qui débute en 1918 dans Cœur de Moineau au National, à Montréal. Quelques années plus tard, soit en 1923, Antoinette Giroux est la première femme à se mériter une bourse du gouvernement du Québec, bourse qui doit lui servir à défrayer le coût d'un séjour de trois ans d'étude à Paris. Le Conservatoire Lassalle, établi précédemment, a eu comme élèves Henri Poitras, Antoinette et Germaine Giroux ainsi qu'Albert Duquesne.
C'est, bien entendu, l'une des premières pages théâtrales du Québec (mais la seule dans le bouquin mentionné)... puis viendront des chapitres entiers qui en font aujourd'hui un art bien vivant. Bien vivant... mais sans racines profondes.

Quelques autres liens sur ce sujet (le manque de racines): Pour un théâtre national, Un théâtre fondateur?, Le théâtre canadien-français selon Durham.

mercredi 21 décembre 2011

Pourquoi se forcer?


À l'approche des Fêtes - perdu en plein Burlington, au Vermont! - je délaisse un peu les théories et recherches pour replonger de nouveau dans le bouquin (virtuel... qu'on peut retrouver sur Google Books en cliquant sur l'image), Les secrets de coulisses des théâtre de Paris écrit en 1865 par Joachim Duflot. Son ouvrage, sous forme de dictionnaire, renferme toute une série d'anecdotes croustillantes, surprenantes ou franchement cruelles qui donnent toute la mesure de ce qu'a été (et qu'est toujours!) le théâtre...

Comme cette petite historiette, monument de résignation... ou de paresse?

Aplomb. — L'aplomb tient lieu quelquefois de talent, et supplée souvent au manque de mémoire. Philippe, qui créa M. Jovial, était un acteur type comme aplomb.

Un acteur de province, d'un médiocre talent, trouvait chaque année le moyen de tomber trois fois dans trois villes différentes
[nda.: métaphore judéo-chrétienne pour signifier qu'il n'arrivait jamais, devant le public bruyant et insatisfait, à se rendre à la fin de son rôle]; aussi ne se donnait-il plus la peine d'étudier ses rôles. Il savait les deux premiers actes de chaque pièce, assuré d'avance que le public l'empêcherait d'achever l'ouvrage; mais le hasard voulut qu'à Poitiers, le public inattentif se montrât bienveillant. Il jouait Burrhus dans Britannicus et on comprendra facilement son embarras quand le troisième acte commença. Que fit-il? Il s'avança résolument sur le bord de la rampe et dit au public: « Messieurs, j'ai eu l'honneur de jouer la tragédie à Angoulême, à Mâcon, à Bourges, à Grenoble et dans d'autres villes, et, je dois l'avouer, je n'avais rencontré nulle part un accueil aussi bienveillant; depuis dix ans, jamais je ne pouvais achever mon premier début; aussi je ne me donnais pas la peine d'apprendre plus de deux actes de chaque pièce. Mais puisque vous y mettez de l'indulgence, je vous promets d'apprendre les trois derniers actes pour la semaine prochaine. » Cet aplomb déconcerta le parterre qui se prit à rire, et l'acteur devint en peu de temps l'idole du public.

C'est pour toutes ces histoires que j'aime le théâtre.

mardi 20 décembre 2011

Les 4 classes de spectateurs

Spectateurs du théâtre par Henri Lachieze-Rey (1971)... tableau tiré de ce site de ventes aux enchères...

Voici un Secret de coulisse des théâtre se Paris (publié en 1865), révélé par Joachim Duflot... et qui concernent cette engeance nécessaire au théâtre... quoique parfois embarassante que sont les spectateurs.

Il y a quatre classes de spectateurs: les blasés, les indifférents, les attentifs et les enthousiastes. 

La première classe trouve que tout est pitoyable.

La deuxième s'endort volontiers.

La troisième cherche à se rendre compte de ce qu'elle voit et de ce qu'elle entend.

La quatrième, qu'on baptise assez ordinairement de payants, quand on ne dit pas imbécile de payant, rit, s'amuse et bat des mains. Chaque mot fait sourire le naïf spectateur, chaque scène l'étonne, chaque acteur le surprend; il est toujours disposé à l'admiration.

Le généralisme est un peu radical. N'empêche que pour chacune de ces catégories, il serait presque possible d'y accoler des noms!

lundi 19 décembre 2011

Un loup en scène...


Que signifie «connaître le loup» au théâtre? Cette expression - qui m'était parfaitement inconnue avant que de ne la trouver dans le Dictionnaire de la Langue du Théâtre d'Agnès Pierron - se définit donc ainsi:

LOUP: C'est une gaucherie dans une pièce de théâtre qui connaît déjà l'ours [nda.: une pièce qui dort dans les tiroirs]; tandis que les écoles d'architectures, si elles connaissent le «loup», ont affaire aussi au «chameau», nom donné aux choses non résolues par le candidat se présentant au concours de fin d'année.

Mais de quelle «gaucherie» s'agit-il? Les avis sont partagés. Pour certains, il s'agit d'un moment de flottement, d'une impression de vague, d'incomplet, de confus, donnée par le texte en cours de répétition; des corrections, par ajouts ou suppressions, qui viennent donner davantage de tenue au texte, finissent par «tuer le loup». Théophile Gautier donne ces précisions: «Un loup, en argot de coulisses, est le vide laissé entre la sortie d'un personnage et l'entrée d'un autre, qui ne doit point voir le premier. Cet intervalle, fût-il d'une seconde, constitue une faute de mise en scène, du moins, au point de vue moderne.[...]». Ce qui est à retenir: l'idée de manque, d'inachèvement, d'un creux, d'un blanc, d'une attente inassouvie. 

Il semble que la définition donnée par Théophile Gautier soit la bonnel l'histoire du théâtre, en ce sens, a retenu deux loups. Vers 1840, un soir que Mme Dorval jouait avec Bocage l'Antony d'Alexandre Dumas, le régisseur, mal informé, fit tomber la toile avant la célèbre phrase finale: «Elle me résistait, je l'ai assassinée!». L'effet était grillé; le public réclame à grands cris que le rideau soit relevé. Ce qui est fait, Mme Dorval reprend sur son fauteuil sa pose de femme tuée, mais Bocage a disparu; impossible de le trouver. Le public s'agite encore davantage. Pour le calmer, Mme Dorval se lève, s'avance jusqu'à la rampe et dit, non sas étouffer un fou rire: «Mesdames et messieurs, je lui résistais, il m'a assassinée!».

Une autre fois, M. de Féraudy, jouant dans Gringoire à la Comédie-Française, fit attendre son entrée une bonne minute. Ses camarades, inquiets, s'adressaient des signes désespérés. Intrigué, le public commençait à murmurer. Enfin, le retardataire entre en scène sur ces mots: «J'arrive à temps...».


dimanche 18 décembre 2011

Les pôles théâtraux comme cadres de travail

 
Je tente, ce matin, une nouvelle synthèse de ces trois notions qui, pour moi, couvrent l'ensemble du théâtre (du moins, dans sa vision conventionnelle) et le composent. Parce qu'elles sont floues et diffèrent d'un théoricien à l'autre (comme le prouvent cette série de billets). Elles s'accroissent chez les uns, s'englobent chez les autres, se contredisent. Ma vision est peut-être trop simpliste? 

La LITTÉRARITÉ comme cadre textuel: le discours, le vocabulaire, le rythme. C'est l'écriture dans sa plus simple expression, avec tous ses canons de création et leur articulation.

La THÉÂTRALITÉ comme cadre scénique: la forme esthétique et  les codes théâtraux (costumes, accessoires, scénographie, lumière, musique). C'est, en quelques sortes, le complément de la précédente. On peut dès lors véritablement parler d'«écriture scénique».

La PERFORMATIVITÉ comme cadre dynamique: le jeu, l'interprétation, l'improvisation, le temps.C'est la partie «vivante» de l'art dramatique, portée d'emblée par le comédien. C'est ici que réside le côté «unique» de chaque représentation de même que le caractère éphémère du théâtre.

Évidemment, celle-ci demande une argumentation plus solide, une pensée plus construite (avec références).Le but de cet exercice demeure le même: établir, en vue de l'écriture de ma thèse (qui devrait débuter d'ici quelques mois...), un cadre conceptuel qui se tient.

samedi 17 décembre 2011

Quand Molière dirige ses acteurs


Il est plutôt difficile de se donner une idée (plus ou moins fidèle) de la façon de travailler des auteurs et acteurs anciens.Comment abordaient-ils l'histoire? Les personnages?

À ce compte, L'Impromptu de Versailles écrit par Molière peut apporter un éclairage plausible sur le jeu que les comédiens devaient déployer au XVIIième siècle. 

Dans cette pièce, l'auteur - et directeur de troupe! - se met en scène lui-même, en pleine répétition. Il va sans dire qu'il est alors plausible d'accorder une certaine importance à ce passage (tirée de la première scène) où il «dirige», en quelques sortes, les acteurs:
MADEMOISELLE DU PARC

Mon Dieu, pour moi, je m' acquitterai fort mal de mon personnage, et je ne sais pas pourquoi vous m' avez donné ce rôle de façonnière.

MOLIÈRE

Mon Dieu, mademoiselle, voilà comme vous disiez lorsque l' on vous donna celui de la critique de l' école des femmes ; cependant vous vous en êtes acquittée à merveille, et tout le monde est demeuré d' accord qu' on ne peut pas mieux faire que vous avez fait. Croyez-moi, celui-ci sera de même ; et vous le jouerez mieux que vous ne pensez.

MADEMOISELLE DU PARC

Comment cela se pourroit-il faire ? Car il n' y a point de personne au monde qui soit moins façonnière que moi.

MOLIÈRE. 

Cela est vrai ; et c' est en quoi vous faites mieux voir que vous êtes excellente comédienne, de bien représenter un personnage qui est si contraire à votre humeur. Tâchez donc de bien prendre, tous, le caractère de vos rôles, et de vous figurer que vous êtes ce que vous représentez.

(à Du Croisy.) 

Vous faites le poëte, vous, et vous devez vous remplir de ce personnage, marquer cet air pédant qui se conserve parmi le commerce du beau monde, ce ton de voix sentencieux, et cette exactitude de prononciation qui appuie sur toutes les syllabes, et ne laisse échapper aucune lettre de la plus sévère orthographe.

(à Brécourt.) 

Pour vous, vous faites un honnête homme de cour, comme vous avez déjà fait dans la critique de l' école des femmes, c' est-à-dire que vous devez prendre un air posé, un ton de voix naturel, et gesticuler le moins qu' il vous sera possible.

(à de La Grange.) 

Pour vous, je n' ai rien à vous dire.

(à mademoiselle Béjart.) 

Vous, vous représentez une de ces femmes qui, pourvu qu' elles ne fassent point l' amour, croient que tout le reste leur est permis, de ces femmes qui se retranchent toujours fièrement sur leur pruderie, regardent un chacun de haut en bas, et veulent que toutes les plus belles qualités que possèdent les autres ne soient rien en comparaison d' un misérable honneur dont personne ne se soucie. Ayez toujours ce caractère devant les yeux, pour en bien faire les grimaces.

(à mademoiselle de Brie.) 

Pour vous, vous faites une de ces femmes qui pensent être les plus vertueuses personnes du monde pourvu qu' elles sauvent les apparences, de ces femmes qui croient que le péché n' est que dans le scandale, qui veulent conduire doucement les affaires qu'elles ont sur le pied d' attachement honnête, et appellent amis ce que les autres nomment galants. Entrez bien dans ce caractère.

(à mademoiselle Molière.) 

Vous, vous faites le même personnage que dans la critique, et je n' ai rien à vous dire, non plus qu'à mademoiselle Du Parc.

(à mademoiselle Du Croisy.) 

Pour vous, vous représentez une de ces personnes qui prêtent doucement des charités à tout le monde, de ces femmes qui donnent toujours le petit coup de langue en passant, et seroient bien fâchées d' avoir souffert qu' on eût dit du bien du prochain. Je crois que vous ne vous acquitterez pas mal de ce rôle.

(à mademoiselle Hervé.) 

Et pour vous, vous êtes la soubrette de la précieuse, qui se mêle de temps en temps dans la conversation, et attrape, comme elle peut, tous les termes de sa maîtresse. Je vous dis tous vos caractères, afin que vous vous les imprimiez fortement dans l' esprit. Commençons maintenant à répéter, et voyons comme cela ira. Ah ! Voici justement un fâcheux ! Il ne nous falloit plus que cela.

vendredi 16 décembre 2011

Oh. Ça me dit quelque chose...

Voici une petite capsule humoristique, Quand on est au théâtre (pigée sur Youtube), par un duo français connu sous le label Very Bad Blagues


Derrière le côté comique de la chose se trouve pourtant - à certaines occasions, d'accord... - une irritante réalité: des spectateurs bruyants et fichtrement dérangeants. Je crois que, en ce sens, tous les praticiens ont des histoires d'horreur à raconter...

jeudi 15 décembre 2011

«L'obscur pressentiment»

Voici comment Peter Brook définit, dans Points de suspension, son travail créateur. Il s'agit là d'un bel exercice que de tenter de définir sa création. De tenter de mettre des mots sur une méthode qui intimement liée à sa propre vision du théâtre.


Quand je commence à travailler sur une pièce, je pars d'un pressentiment obscur et profond, semblable à une odeur, à une couleur ou une ombre. C'est la base de mon travail, mon rôle - c'est ainsi que je me prépare aux répétitions, quelle que soit la pièce que je monte. Cet obscur pressentiment, c'est ma relation avec la pièce. [...] Je ne dispose d'aucun système pour monter une pièce, car c'est à partir de ce sentiment sommaire et informel que je commence à préparer.

Préparer signifie cheminer vers cette idée. Je commence à fabriquer un décor, je le casse, je le fabrique, je le casse, j'y réfléchis. Quel genre de costumes? Quelles couleurs? Tout cela constitue un langage qui sert à concrétiser quelque peu ce pressentiment. Jusqu'à ce que, petit à petit, en sorte la forme, une forme destinée à être modifiée, mise à l'épreuve, mais néanmoins une forme. [...]

La répétition doit créer un climat qui rende les acteurs libres de proposer tout ce qu'ils peuvent apporter à la pièce. C'est pour ça qu'au premier stade, tout est ouvert. [...]

Mis en présence de cette masse de matériau, l'obscur pressentiment se révèle le facteur prédominant face auquel certaines idées ne tiennent pas la route. Tout commence à se clarifier. [...]

mardi 13 décembre 2011

Les interrelations entre les différents pôles théâtraux

Je continue à lire et à réfléchir à une conception meyerholdienne du théâtre autour de laquelle s'articulera les trois principaux pôles théâtraux que sont la LITTÉRARITÉ, la THÉÂTRALITÉ et la PERFORMATIVITÉ. Et pour réfléchir, j'ai l'habitude de barbouiller, de dessiner, d'écrire dans mes carnets... ce qui me permet de reproduire ici, avec la propreté de l'informatique, l'un de mes derniers schémas...


Je n'invente rien là... mais ça me permet tout de même de donner une forme à ces notions qui demeurent floues avec pour conséquence, qu'il est possible de leur faire dire ce que l'on veut... comme le fait que le texte est générateur de discours (de littérarité), qui permettra d'élaborer une forme scénique (la théâtralité), dans laquelle pourra émerger, par l'action du comédien, la performativité pour porter le discours... et ainsi de suite.



Une laideur transcendée!

Mademoiselle Duchesnois, par François Gérard

J'aime vraiment beaucoup lire sur ces grands acteurs-trices qui ont marqué l'histoire du théâtre de leur passage. J'aime les descriptions qu'on fait d'eux. Parfois avec complaisance. D'autre fois avec une sublime cruauté. Ou parfois encore, avec un mélange des deux qui font rêver à cette période glorieuse où l'art dramatique tenait le haut du pavé.

Voici la (dure) description - selon le récit de M. de Lanzac de Laborie, publié dans Grandes actrices - des débuts de l'une de ces glorieuses femmes, Catherine-Joséphine Rafin dite Mademoiselle Duchesnois (1777-1835) qui dû toutefois se battre contre un ennemi de taille: son apparence (déjà...):

Il [ndr.: le ministre Chaptal] vit une grande jeune fille de vingt-deux ans, à la taille élancée, mais au teint bistre, aux traits disgracieux et surtout à l'expression angoissée des personnes qui, parties de bas, de très bas, ont toujours peut qu'on leur jette à la face un passé d'opprobre et de misère. Invitée pour la forme à débiter quelque tirade classique, sa physionomie, tout à l'heure si ingrate, devint si touchante, surtout sa voix se révéla si pathétique, si mélodieuse, que le ministre l'encouragea et lui indiqua un maître plus approprié à son genre de talent que le facétieux Dugazon, à savoir le poète tragique Legouvé.

Eh oui. Il s'agit de la même dame que celle illustrant le billet. En matière de laideur, il y a pire... Mais ce n'est pas tout. Ce Chaptal revient dans l'histoire quelques années plus tard, alors que Legouvé tente de faire entrer Mlle Duchesnois dans l'auguste maison, la Comédie-Française. Les mots viennent cette fois de M. A. Dinaux:

M. Chaptal se refusait à accorder un ordre de début à Mademoiselle Duchesnois, persuadé qu'elle était trop laide pour réussir. Madame Lebrun, toujours obligeante et protégeant les arts dont elle en cultive un d'une manière si brillante, pria Madame de Montesson de donner une soirée pour Mademoiselle Duchesnois; elle lui fit promettre que Madame Bonaparte y vint ainsi que M. Chaptal. Madame de Montesson y consentit et rénit environ deux cents personnes. Mademoiselle Duchesnois, à cette époque, était d'une affreuse maigreur; sa toilette plus que simple fut arrangée tant bien que mal par Madame Lebrun.

[...] Mademoiselle Duchesnois récita le rôle de Phèdre et une partie de celui de Roxane d'une manière si admirable que le ministre, oubliant comme tout le monde les traits peu agréables de cette jeune personne, lui donna immédiatement son ordre de début... Madame Bonaparte se chargea du costume.

Pour une question de goût personnel de ce ministre, l'Histoire théâtrale aurait dû se passer d'une grande parmi les grandes... Alors que, comme le raconte Lanzac:

Elle rendit avec une incroyable profondeur de sentiment, avec un charme de diction inconnu avant elle, les passions et les remords de Phèdre, torturée par un amour criminel. De vieux amateurs, qui savaient par coeur leur Racine (c'était commun alors), croyaient entendre pour la première fois la musique de ces vers, d'autres pleuraient au récit que l'héroïne faisait de ses souffrances, comme à un mélodrame nouveau.

Et ça joue dur encore une fois:

Geoffroy [ndr.: un critique de l'époque], qui ne devait pas tarder à se montrer si hostile, si grossier, allait, dans un premier élan d'enthousiasme, jusqu'à féliciter la débutante de sa laideur. Il disait: Elle recevra des éloges et non des madrigaux, elle entendra des vérités utiles et non des mensonges galants.

Et le reste de son histoire continue entre cabales humiliante pour elle et dénigrement alors qu'elle atteint les sommets de l'art théâtral. Son entourage - de comédiens, de critiques, d'auteurs - s'adonnent à une méchanceté sans borne.

lundi 12 décembre 2011

Question de spectateur

Spectateurs au cabaret, Emil Nolde, 1911 (image tirée de ce site)

Quelques mots de Peter Brook (et de son Espace vide, reparu en 1977 aux éditions du Seuil) pour changer un peu des billets sur les productions en cours... D'autant plus que ce praticien-théoricien est quand même une sommité du théâtre contemporain...

Qu'est-ce qu'un public? En français, parmi les différents termes utilisés pour désigner ceux qui regardent: le public, les spectateurs, un mot tranche sur les autres, qui est qualitativement différent: l'«assistance». «J'assiste à une pièce», «assister»: le mot a deux sens, l'un est actif et l'autre passif, et l'un de ces deux sens fournit la clé. Un acteur se prépare, il entre dans un processus qui peut devenir stérile à tout instant. Il se prépare à capter quelque chose, à lui donner vie. Au cours de la répétition, l'élément vital d'«assistance» provient du metteur en scène qui est là pour aider en observant. Quand l'acteur se présente devant le public, il s'aperçoit que la transformation magique ne s'opère pas par magie. Les spectateurs peuvent très bien regarder passivement le spectacle, attendant de l'acteur qu'il fasse tout le travail, et sous ce regard passif, l'acteur peut découvrir qu'il ne peut produire qu'une répétition des répétitions. Cela peut l'ébranler profondément. Il a beau y mettre de la volonté, se donner entièrement et essayer de provoquer la participation du public, il est conscient d'un manque. Il dit alors que la salle est «mauvaise». Parfois, au contraire, au cours de ce qu'il appelle une «bonne» soirée, il se trouve devant un public qui, par hasard, tient activement son rôle de spectateur vivant. Ce public l'«assiste». C'est grâce à cette «assistance» - l'assistance des regards, des désirs, du plaisir et de la concentration - que la répétition devient représentation. Alors, ce qui est «représentation» n'isole plus l'acteur de la salle ni le spectacle du public. Il les englobe: ce qui est présent pour l'un est présent pour l'autre. La salle aussi a subi un changement. Elle a quitté la vie quotidienne, essentiellement répétitive, pour une arène d'une espèce particulière où chaque moment est vécu plus clairement, plus intensément. Le public assiste au spectacle, mais, en même temps, l'acteur assiste le public.

J'aime bien ce concept du spectateur qui porte assistance à l'acteur... À y réfléchir un de ces jours plus profondément...

En attendant.


Un spectacle de terminé. Les ateliers réguliers et les ateliers pour aînés également.

Aujourd'hui - et cette semaine! - est le jour du ménage. Du grand ménage. Parce que mon bureau, la salle de travail et le costumier sont de véritables bordels. Remettre de l'ordre.

Remettre de l'ordre et mettre un terme à nos activités pour 2011 tout en préparant doucement mais résolument celles de 2012.

D'ici là, les ouvertures se pointeront et il ne me restera plus qu'à confier les rênes à quelqu'un d'autre.

dimanche 11 décembre 2011

«On se casse les noisettes!» [Carnet de mise en scène]

Dessin pris sur ce site... mais comme c'est en néerlandais, je ne trouve pas les infos...

Une assez bonne deuxième représentation... un peu moins fébrile, plus précise, et avec une belle variété de bogues techniques: perruques qui arraches, micros qui tombent, musique qui part toute seule, pancartes qui tombent, etc.

Le rythme se resserre un peu. Les comédiens acquièrent de plus en plus d'assurance dans l'exécution des petits scénarios. Tout est plus en contrôle.

Les chorégraphies et les chansons représentent de bons défis pour ces interprètes qui (à quelques exceptions près) ne sont ni danseurs, ni chanteurs... Bien que cet élément soit pris en compte (et sert le plus souvent de point de départ à la construction de ceux-ci), il n'en demeure pas moins qu'il doit tout de même y avoir un travail de maîtrise personnelle pour rendre le «message» sans s'essouffler.

Toutefois - et c'est là l'écueil! - il faut faire doublement attention à ce que l'ensemble du spectacle soit pris pour acquis, à attendre les rires, à tomber dans un jeu mécanique sans âme. Il faut accentuer la rigueur. Augmenter le tonus et l'énergie. Investir la scène avec détermination et un plaisir accru... et cela paraît plus simple que la réalité.

Là où nous pourrions vraiment travailler si nous avions du temps devant nous (une plus longue série de représentations!), maintenant que les numéros ont été éprouvés devant public, il nous faut déjà entamer le dernier rendez-vous.

Au théâtre, cette semaine! (du 11 au 17 décembre 2011)

(Fauteuils du Théâtre de l'Odéon, à Paris, © P.Tournebœuf / Tendance Floue / PHPA)

À quelques jours de prendre un petit temps de repos, il reste encore quelques rendez-vous théâtraux.

Aujourd'hui, dimanche - 11 décembre 2011
Salle Murdock (Centre des arts de Chicoutimi), 14h

Les Amis de Chiffon, comme activité bénéfice, donne une représentation spéciale de L'Éclaireur, leur toute nouvelle production.

Aujourd'hui, dimanche - 11 décembre 2011

Salle Marguerite-Tellier (Centre des arts de Chicoutimi), 14h30
DERNIÈRE REPRÉSENTATION

Dernière représentation de On se casse les noisettes!, la cinquième production de Noël du Théâtre 100 Masques construite, cette fois, autour du conte mis en musique par Tchaïkovski. Chocolat chaud et biscuits pour tous.

Vendredi - 16 décembre 2011
Auditorium d'Alma, 20h
Samedi - 17 décembre 2011
Auditorium d'Alma, 14h
(Dimanche - 18 décembre 14h)

Le Prisme culturel présente, pour une autre année, son traditionnel ballet Casse-Noisette. Ça reste dans le ton...

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Ça ressemble pas mal à ça. Si j'oublie des trucs, il est possible de les ajouter via les commentaires...

samedi 10 décembre 2011

«On se casse les noisettes» [Carnet de mise en scène]


La première représentation d'On se casse les noisettes! est chose du passé.

Une représentation fébrile, mais somme toute assez bien rendue.

Il est possible, maintenant, après une première confrontation avec le public, de faire les ajustements nécessaires à un rehaussement de la dynamique scénique, en faisant «nettoyant» les numéros et les entre-scènes des parasites qui se sont installés en cours de répétitions.

Car la présence du public permet deux choses: d'abord insuffler de l'énergie aux comédiens par leurs réactions et surtout, cette présence permet au metteur en scène d'aborder le spectacle avec des yeux neufs. Une expérience quasi mystique. Une transsubstantiation. Tout à coup, la production prend comme un nouvelle figure.

Alors, ce qui attend les comédiens, ce soir, avant la représentation: revérifier la calibration (?) du son (la musique et les micros), resserrer quelques liens. Couper un peu par-ci, un peu par-là, retranchant des répliques qui tombent finalement à plat.

Plus que n'importe quel autre spectacle, ce type de production se doit d'être en chantier jusqu'à la dernière minute des représentations et de rester ouverte à tout changement qui peut se présenter (dont les références à des personnes dans la salle qui doivent être revues systématiquement, à tous les soirs...). Et c'est là le plus grisant de ce projet. Rester à l'affût de ce qui pourrait améliorer et se lancer dans de nouvelles avenues à quelques minutes de monter en scène.
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Pour vous donner une (ou plutôt deux idées de ce à quoi peut ressembler ce spectacle), il faut lire Noël Destroy par Joël Martel (Voir Saguenay-Alma) et Antidote redoutablement efficace en page 6 du Quotidien d'aujourd'hui, par Daniel Côté.

vendredi 9 décembre 2011

«On se casse les noisettes! » [Carnet de mise en scène]


Si la nuit porte conseil, celui-ci, quand il se multiplie, empêche de dormir. Alors voici donc quelques points directement issus d'une insomnie chronique.

Pour On se casse les noisettes!, les points importants (voire nécessaires!) pour les comédiens, alors qu'ils monteront en scène dans quelques heures pour la première:
  • Engagement de tout le corps et de tout l'esprit dans ce spectacle.
  • Engagement de tout le corps et de tout l'esprit dans le collectif. Ce ne sont pas des solos. Il doit y avoir une réelle symbiose sur la scène.
  • Conscience de son corps, de ses actions et surtout, de ce qu'il provoque chez le spectateur.
  • Confiance en ses capacités.
  • Contrôle de l'ensemble de celles-ci.
  • Confiance dans l'efficacité des numéros.
  • Précision.
  • Plaisir dans l'exécution de tout les numéros.
  • Commencer doucement en mettant de plus en plus d'intensité et de folie au cours des numéros (finalement le contraire de ce qu'ils font, soit de commencer très fort et de s’essouffler en cours de route...).
  • Importance accrue, vue le contexte de création et d’exécution (semi-canevas), de l'écoute du partenaire et des réactions de la salle.
  • Aisance et calme (deux éléments essentiels pour se lancer dans les numéros comiques).
  • Re-plaisir dans l'action.
  • Enfin, le principal à mon avis: garder à l'esprit que le partenaire le plus important demeure le public. En ce sens, il est primordial de lui ménager une ouverture, de le prendre comme complice, de jouer avec lui.

Sûrement y aura-t-il d'autres points qui s'ajouteront durant cette longue journée qui commence. Mais le reste sera transmis directement aux comédiens.

jeudi 8 décembre 2011

«On se casse les noisettes!» [Carnet de mise en scène]


La générale est faite.

Après un contrariant contretemps cet avant-midi (où nous avons dû partager la salle avec les organisatrices d'un dîner dans le même lieu), les comédiens ont pu enfin monter en scène pour faire un dernier filage... le pire de tous.

Le pire parce que maintenant, il manque le principal ingrédient inhérent à ce type de spectacles: les spectateurs. Ce qui donne un enchaînement toujours un peu plat, terne et avec une folie qui, jour après jour, a laissé sa place à un certain mécanisme qui ne demande que des rires venus de l'extérieur pour bien s'enflammer.

Dans l'ensemble, ça marche. Ce spectacle de Noël reste proche du cabaret festif (avec un côté bric-à-brac bien assumé!), avec ses numéros éclatés et ses personnages loufoques (personnages différents d'un numéro à l'autre). Les liens fonctionnent et nous continuons à trouver des manières d'ajouter des répliques, de préciser des actions, d'établir concrètement les scénarios.

Compte tenu du contexte de création, c'est la gestion de la technique (le son et les micros) qui pose toujours un peu de problème. Demain, le montage final de la salle viendra corriger le tout.

La résignation (!) d'une comédienne...

Portrait de Mlle Mars (anonyme, XIXième siècle)

Après le billet d'hier consacré à un sonnet pour Sarah Bernardht écrit par Rostand, j'ai poursuivi la lecture du bouquin d'où il était tiré, à savoir Reines de théâtre, par Dussane, publié en 1944 aux éditions H. Lardanchet (Lyon). J'en arrive à un autre grand monstre de l'histoire du théâtre: Mademoiseille Mars (1779-1847).

Le règne de ces comédiennes ont dépassé largement la scène et c'est tout le monde qui gravitait autour d'elles qu'elles ont tenté de maîtriser... parfois avec autorité, d'autres fois avec caprice, persuasion, manipulation, résignation, etc. Mais toujours - surtout avec le recul aidant! - avec une majesté qui me fascine...

Voici un choc des titans entre cette Mlle Mars et nul autre que Victor Hugo (un autre grand monstre de l'art dramatique) rapporté par Dumas:

«Au milieu de la répétition [n.d.r.: de la création d'Hernani, en 1830], Mlle Mars s'arrêtait tout à coup... Pardon, disait-elle à son partenaire, j'ai un mot à dire à l'auteur.

- Monsieur Hugo? demandait-elle, M. Hugo est-il là?

- Me voici, Madame, répondit Hugo en se levant.

- Ah! Très bien! merci... Dites-moi, Monsieur Hugo...

- Madame?

- J'ai à dire ce vers-là: Vous êtes un lion superbe et généreux!

- Oui, Madame, Hernani vous dit: Hélas, j'aime pourtant d'une amour bien profonde! | Ne pleure pas... Mourrons plutôt! Que n'ai-je un monde, | Je le donnais! Je suis bien malheureux! Et vous lui répondez: Vous êtes mon lion superbe et généreux!

- Est-ce que vous aimez cela, Monsieur Hugo?
- Quoi?

- Vous êtes mon lion!

- Je l'ai écrit ainsi, Madame, trouvez-moi quelque chose de mieux, et je mettrai cette autre chose à la place.

- Ce n'est pas à moi de trouver cela; je ne suis pas l'auteur, moi.

- Eh bien, alors, Madame, puisqu'il en est ainsi, laissons tout uniment ce qui est écrit.

- C'est qu'en vérité cela me semble si drôle d'appeler M. Firmin [n.d.r.: son partenaire masculin] mon lion!

- Ah! parce qu'en jouant le rôle de Dona Sol vous voulez rester Mademoiselle Mars; si vous étiez vraiment la pupille de Ruy Gomes de Sylva, c'est-à-dire une noble castillane du XVIième siècle, vous ne verriez pas dans Hernani M. Firmin; vous y verriez un e ces terribles chefs de bande qui faisaient trembler Charles-Qunit jusque dans sa capitale: alors vous comprendriez qu'une telle femme peut appeler un tel homme son lion, et cela vous semblerait moins drôle!

- C'est bien, puisque vous tenez à votre lion, n'en parlons plus. Je suis ici pour dire ce qui est écrit: il y a dans le manuscrit: «Mon lion!», je dirai «Mon lion!» moi... mon Dieu! cela m'est bien égal! Allons Firmin! Vous êtes mon lion superbe et généreux!

Et la répétition continuait.

Et chaque jour la scène recommençait: Mars voulant arriver à supprimer ce «mon lion» et à le remplacer par un inoffensif «Mon seigneur» - ce qu'elle fit d'ailleurs, le jour de la première.

Les incidents se multiplièrent jusqu'au jour où Hugo exaspéré lui redemanda son rôle. Elle cessa alors ses taquineries, et les remplaça par une froide résignation.»

Par chance, ce genre de caprice venu d'un ou d'une interprète n'existe plus... Euh...

mercredi 7 décembre 2011

Un sonnet pour Sarah

Sarah Bernhardt par Hans Makart, 1881

Il fut une époque où les auteurs et les poètes célébraient les acteurs de belle façon. Il faut dire qu'en ce temps, les scènes théâtrales étaient le royaume de grands monstres sacrés de leur vivant.

Voici, en exemple, un sonnet écrit par Edmond Rostand (qui lui a écrit de grands rôles) dans le cadre d'un grand banquet d'auto-célébration qui a eu lieu en décembre 1896.

En ce temps sans beauté, seule encore tu nous restes,
Sachant descendre, pâle, un grand escalier clair,
Ceindre un bandeau, porter un lis, brandir un fer,
Reine de l'attitude et Princesse des gestes!

En ce temps sans folie, ardente, tu protestes!
Tu dis des vers, tu meurs d'amour, ton vol se perd!
Tu tends des bras de rêve... et puis des bras de chair,
Et quand Phèdre paraît, nous sommes tous incestes...

Avide de souffrir, tu t'ajoutas des cœurs!
Nous avons vu couler, car ils coulent tes pleurs!
Toutes les larmes de nos âmes sur nos joues!

Mais aussi, tu sais bien, Sarah, que, quelque fois,
Tu sens furtivement se poser, quand tu joues,
Les lèvres de Shakespeare aux bagues de tes doigts.