jeudi 23 décembre 2010

Un solide coup de gueule éditorial...

Avec quelques jours de retard, je tiens tout de même à retranscrire ici le billet de Daniel Côté paru dans la dernière édition du Progrès-Dimanche (soit celle du 19 décembre 2010) parce qu'il s'agit là, à mon sens, d'un véritable travail éditorial...

Jean Tremblay, personnalité culturelle 2010

Il a tracé quelques lignes sur une feuille vierge, à La Pulperie, ce qui a constitué l’amorce d’un tableau réalisé par Jérémie Giles. On l’a aussi vu chanter dans les dernières semaines, en compagnie des membres du conseil municipal de Saguenay. Ce ne sont pas ces activités, cependant, qui ont fait du maire Jean Tremblay la personnalité culturelle de l’année.

Si on prend comme unité de mesure le degré d’influence d’un individu, personne ne lui est arrivé à la cheville. Il a pesé de tout son poids sur l’actualité du monde des arts, en effet, à travers des dossiers comme ceux de la salle de spectacles, de la mise à mort du Théâtre du Saguenay et, de manière générale, le fonctionnement des organismes.

S’agissant de la salle de spectacles, est-il nécessaire de rappeler les péripéties des derniers mois? Confrontée à la signature des registres municipaux, une initiative pilotée par des étudiants du Conservatoire de musique de Saguenay, l’administration Tremblay a d’abord joué la carte de la neutralité, une posture qui n’a dupé que ceux qui souhaitaient l’être.

Plus approchait la date de la consultation publique promise par le maire, cependant, et plus son jupon dépassait. Les deux options figurant sur le bulletin de vote ont été soit empirée (la construction d’une salle neuve sur la zone ferroviaire), soit couverte d’une épaisse couche de peinture rose (la rénovation de l’Auditorium Dufour), si bien que le résultat était prévisible.

On n’avait pas encore rangé les urnes que Jean Tremblay ouvrait enfin son jeu, admettant que la rénovation coûterait plus cher et que le délai ne serait pas d’un an, comme on l’avait fait miroiter avant le scrutin. Il en faudra deux, peut-être trois, avant que le public ne puisse fréquenter son Carnegie Hall de seconde main.

De sang-froid

Simultanément, une institution respectée, le Théâtre du Saguenay, a été annihilée de sang-froid. Après avoir noyauté le conseil d’administration, comme ce fut le cas au sein de nombreuses instances reliées au monde des arts, les serviteurs de l’hôtel de ville ont fait fi de la volonté desmembres et conduit la coopérative dans le couloir de la mort, sans espoir de grâce.

Dans cette nouvelle version du cheval de Troie, il faut signaler la naïveté, voir la bonasserie, affichées par les membres. Même fortement majoritaires, ils ont laissé le président arrivé de buten blanc, Pierre Mazurette, faire le contraire de ce qu’ils souhaitaient sans protester avec la vigueur que commandait son attitude frisant l’arrogance.

Étourdi par son verbe, il avait été jusqu’à proclamer, sur les ondes de Radio-Canada, que la formule coopérative n’était plus de saison. Il la jugeait dépassée, ce qui fait sourire lorsqu’on songe au Mouvement Desjardins et, sur un registre plus modeste, à la station de radio CKAJ, qui continuent de prospérer malgré un contexte économique peu avenant. Ce serait gentil de les prévenir.

Le bulldozer de la ville est passé, comme jadis à La Pulperie de Chicoutimi. Après 35 ans de loyaux services, le Théâtre du Saguenay a été liquidé avec aussi peu de considération que s’il s’agissait d’un gang de rue. Dans cette ville pas normale, c’est ainsi que les choses se passent. On ne veut pas savoir ce que vous avez fait de bien, mais qui vous connaissez.

À l’aube d’une nouvelle année, il n’est pas inutile de rappeler ces événements, si déprimants soient-ils. Porteuses d’un gros mensonge, nos plaques minéralogiques ne trahissent pas le fait que chez nous, l’amnésie constitue un art de vivre. L’autruche, davantage que le castor, mériterait de devenir notre emblème animalier.

Par bonheur, les artistes résistent encore et toujours. Faisant fi des pesanteurs politiciennes, ils continuent à peindre, sculpter, faire de la musique et écrire en espérant percer le mur de l’indifférence.

Il y a aussi des gens qui organisent des festivals, d’autres qui tiennent des organismes à bout de bras. Si Saguenay est une capitale culturelle, c’est à eux qu’elle le doit.

Des spectateurs et du bruit...


Alors que je m'occupe à dresser le portrait de l'année qui s'achève (j'ai déjà commencé il y a quelques jours pour l'écriture de cet article dans le Voir paru aujourd'hui) - et temps des Fêtes oblige! -, je laisse de côté les théories et les critiques de tout acabit pour présenter un autre morceau savoureux tiré du Petit lexique amoureux du théâtre de Philippe Torreton qui aura le mérite d'avoir été ma découverte théâtralo-littéraire 2010...

Ce matin donc, place à l'hommage rendu à tous ces spectateurs qu'on a vus (et entendus!) tout au long de l'année dans l'un ou l'autre de nos salles de théâtre!

B comme Bruits

Il faut dire aux spectateurs qu'on entend tout sur scène, parfois même, quand le vent du silence est favorable, des soucis gastriques.

Je suis persuadé qu'il y a des gens qui ne toussent qu'au théâtre, qui ne prennent un abonnement qu'à seule fin de pouvoir éternuer toutes les poussières qu'ils ont emmagasinées pendant la semaine. D'autres doivent se dire qu'un théâtre est un lieu d'expression, mon expectoration en est une aussi, donc allons-y gaiement. [...]

[...] Il est très rare que tous ces gens se réunissent pour aller voir le même spectacle le même soir, mais cela arrive. Chaque acteur garde en mémoire une soirée digne d'une partie de Scrabble au sanatorium. [...]

[...] Il se trouve également des dames qui profitent du spectacle pour réorganiser leur sac à main. Après tout, on est assis tranquillement et on n'a que ça à faire en plus. [...]

[...] Je finirai par un petit conseil, le programme que l'on vous donne ou que vous venez d'acheter à prix d'or, posez-le par terre lorsque le noir mettra fin à votre lecture, car, de toute façon, il tombera de vos genoux pendant la représentation, c'est un loi physique. C'est comme ça on n'y peut rien, et c'est Newton qui en a eu l'intuition géniale alors qu'il croquait une pomme dans un théâtre.