lundi 24 mai 2010

De la modestie du metteur en scène devant le texte dramatique...


Le metteur en scène n'est pas un être libre. L'œuvre qu'il va jouer ou faire jouer est la création d'autrui. Il met au monde les enfants des autres. Il est un maître-accoucheur. Il remplit une fonction éternelle et secondaire à la fois. Il est enchaîné à un texte vis-à-vis duquel il discerne toutes les libertés.

Mais ses idées et ses aspirations sont tributaires de celles d'un autre.
Il réfléchit, il s'exalte, il crie «eurêka» mais le monologue intérieur lui dicte:

- qu'il prend certainement trop de libertés vis-à-vis de l'œuvre;

- que l'autre - je veux dire l'auteur - n'a certainement pas pensé à cet effet ; que telle idée extraordinaire est du «plus pur théâtre», certes, mais que l'autre - je veux dire l'auteur - n'avait pas prévu à cet endroit un relief scénique, qu'il modifie ainsi l'économie de l'œuvre;

- que cette prose est de la prose et non pas un motif à «gags» et à «suspense»;

- et qu'enfin, la pièce fut d'abord écrite et non pas
agie;

«et qu'il serait bon, par conséquent, que tu t'en tiennes à plus de respect et à moins d'art (ou d'artifice)».

Ces quelques mots sont de Jean Vilar et sont tirés de De la tradition théâtrale, p. 69 (paru en 1955 aux éditions de L'Arche).

Ils reflètent bien la conception textocentrisme de plusieurs metteurs en scène, de ce courant où prime la voix de l'auteur, et où le but premier de l'art dramatique est de la faire entendre

Mais bien que je me considère plutôt éloigné de cette vision théâtrale, il n'en demeure pas moins que ces paroles de Vilar font toutefois ressortir toute la question du respect envers l'oeuvre d'autrui... respect que je comprends fort bien... et toute l'ambiguïté du travail de création et de (ré-)interprétation inhérente au rôle du metteur en scène et à celui du comédien... particulièrement en cette ère d'interdisciplinarité et de (post-)post-modernisme...