samedi 12 décembre 2009

«L'image de ce qui n'est pas / L'image de ce qui est»

Ce titre est tiré directement d'un article publié en 1977 (dans le 96ième Cahier Renaud Barrault) par Marie-Claire Pasquier.

Dans cet article, on trace fort judicieusement les différences entre le cinéma et le théâtre... différences qui, bien qu'évidentes de prime abord, posent de sérieuses questions sur le théâtre même, sur la quête de la vraisemblance (l'horrible mot traîné comme un boulet), sur les multiples mutations qui l'ont marqué depuis l'apparition du genre cinématographique et qui, par extension, pourraient poser encore des questions sur les assauts de la nouvelle technologie.

On sait que la peinture a changé de statut du jour où a existé la photographie, qu'elle a acquis par là une nouvelle autonomie, et des pouvoirs de représentations jusqu'alors insoupçonnés. Il ne faut pas s'étonner que le théâtre se soit modifié d'avoir à coexister avec le cinéma. Peut-il exister un théâtre non-figuratif? Dans un premier temps - pas nécessairement chronologique - le théâtre a pu abandonner au cinéma l'obligation d'être spectaculaire. Se faisant anti-théâtre, ou théâtre de l'absurde (nda.: bon... l'article date un peu...), l'acte théâtral s'est dégagé du trompe-l'oeil, de l'illusionisme, et de la vraisemblance. Dans un deuxième temps est venue la nostalgie de ce trompe-l'oeil, et le plaisir de le reconstituer au deuxième degré: théâtre sur le théâtre, dans le théâtre, jeux avec la théâtralité. Troisième temps: le théâtre sort du théâtre, ce qui peut vouloir dire deux choses: soit changer effectivement de lieu, investir les hangars, les églises, les entrepôts ou la rue, soit importer sur scène les éléments qui en étaient, par convention, bannis, effacer le salon au profit de la cuisine et de la salle de bains (école anglaise), le costume au profit de la nudité (école américaine), le stuc et les colonnades au profit du sable, de l'eau, de la terre meuble, du foin, de la paille, du crottin de cheval, voire du cheval lui-même (école franco-italienne).

[...] Artaud disait: Le cinéma nous assassine de reflets. Il disait aussi: À la visualisation grossière de ce qui est, le théâtre par la poésie oppose les images de ce qui n'est pas.


Qu'en serait-il aujourd'hui?