mardi 15 septembre 2009

Pour une définition de la critique...

Encore Honoré Daumier.

Pour faire suite au dernier billet sur ce blogue portant sur la critique versus internet, je me suis reposé, une nouvelle fois, la question fatidique: qu'est-ce que la critique? qu'est-ce qu'une bonne (pour ne pas dire une vraie) critique? quels sont son essence et son fondement? Et par hasard, je tombe sur ces mots de Copeau:

Je veux qu'[elle] soit sincère, grave, profond[e], se sachant investi[e], à l'égard du poète, d'une fonction créatrice, digne de collaborer à la même oeuvre que lui et de porter, comme lui, la responsabilité de la culture.

Quelle définition! Le jour où nous auront une telle critique, le milieu pourra se dire mature.

La critique et internet...


Le Critique d'Art, Honoré Daumier

Voici un compte-rendu du 5ième salon du théâtre tenu du 22 au 24 mai 2009, quelque part en France... Le sujet est fort intéressant: le rôle du critique, la place du critique dans les médias, l'apport ou les obstacles d'Internet... Par ailleurs, j'aime beaucoup l'idée du Salon du Théâtre... et peut-être trouverait-elle écho dans notre petit milieu:

« Seul le talent compte, pas l’outil. »

Au cœur du 5e Salon du théâtre et de l’édition théâtrale, nous étions plusieurs correspondants des « Trois Coups » à nous être donné rendez-vous à un débat qui nous concernait au plus haut point : la liberté du critique et ce que l’Internet change dans son rôle. Si le premier point fut des plus passionnants et animés, le second nous laissa sur notre faim. En voici quelques échos.

La presse – et le métier de critique de théâtre – est en crise. Nul ne saurait le nier. Crise du théâtre concurrencé par le cinéma, la télé et les jeux vidéo. Crise de la presse payante fragilisée par la gratuité, l’Internet et le reproche facile de gâcher du papier. Crise de l’opinion elle-même, qui n’a plus l’habitude de l’exercice critique, jugé négatif. Mais, face à toute crise, chacun « juge » que cette période est occasion de risques ou d’opportunités. Manifestement, c’est la première option qu’ont choisie nos brillants et réputés intervenants. Jean-Pierre Léonardini (l’Humanité) réunit Armelle Héliot (le Figaro), Philippe Tesson (l’Avant-scène), Jacques Nerson (le Nouvel Observateur) et Gilles Costaz (Paris-Match, Politis…). Le débat devient parfois joute oratoire, grâce aux jeux de manches et envolées de Philippe Tesson. Se définissant eux-mêmes comme des « vieux briscards » ou mieux des « dinosaures » du métier de critique, se plaçant avec toutes les réserves d’usage dans la lignée littéraire des Gautier, Nerval et autre Colette, ils se posent en témoins d’une époque révolue.

Le « critique » ? Le critique est un spectateur privilégié qui se fait médiateur, passeur, au service de son lecteur. Journaliste, il se doit d’informer, de laisser une trace de spectacles qui continuent à vivre bien après leur représentation. Il apporte une lumière, un jugement personnel, un point de vue, des raisons d’aimer ou de détester un spectacle. Armelle Héliot rappelle combien le critique est au service d’un lecteur dont il ne faut jamais perdre le souci. Elle souhaite conduire le public vers le théâtre, en étant la moins décourageante et la moins arrogante possible, l’intéressant mais aussi le dissuadant d’aborder des œuvres qui lui seraient trop ardues. Le travail régulier du critique, qui écrit dans l’urgence, se fait sur un journal éphémère « dans lequel se fera dans quelques jours la pluche des carottes ».

Sa liberté ? Selon Philippe Tesson, elle s’inscrit au cœur de trois dépendances : le monde du théâtre, le public et le support pour lequel il écrit. Alors qu’il considère que rendre des comptes est une aliénation, ces dépendances altèrent pour lui la liberté du critique. Lui répondant, Jacques Nerson affirme n’avoir jamais écrit contre sa pensée, tout en veillant à ne pas piéger son lecteur en le prévenant du contenu d’un spectacle. Répondant à Philippe Tesson qui dit parfois s’interdire d’écrire pour ne pas déplaire à son public, Jacques Nerson réaffirme que le critique se laisse ligoter quand il le veut bien et que sa liberté a un coût. Ainsi, se préoccuper de son lecteur n’est pas s’interdire de dire ce que l’on pense, mais lui ménager les clefs de sa propre appréciation. Considérant que le théâtre ne peut guère transformer la société, nombre de rédacteurs en chef considèrent la critique comme un art mineur, lui accordant du coup une relative liberté.

La fin d’un magistère tout-puissant. Nos intervenants se disent nostalgiques d’une l’époque où le critique pouvait couvrir tous les spectacles. Avec la multiplication des représentations, il se morfond de n’être pas là où sont les autres, nourrissant une mauvaise conscience héritée d’une période plus prospère. La critique est en soi un genre littéraire, classique, qui tend à répondre à un objet artistique par une belle écriture. Elle exprime le mieux possible des idées sur le monde, et hisse le journaliste dans l’ombre de l’écrivain. L’autorité du critique s’acquiert au fil du temps, par la confiance renouvelée d’un lectorat : le critique « commence jeune en faisant semblant d’être vieux », puis devient un expert. Jean-Pierre Léonardini pose la question de la légitimité du critique en terme de « magistère ». Il est des pontifes qui craignent pour leur trône ! Portant une responsabilité, une autorité morale, le critique peut se faire prescripteur. Faut-il limiter l’accès à l’écriture critique ? Quand l’écriture se démocratise, que devient l’autorité du critique ?

L’Internet, un danger pour la critique théâtrale ? L’Internet est perçu par plusieurs intervenants comme moins littéraire, n’offrant à l’écriture ni la même longueur ni la même densité, se limitant à un commentaire de « ressenti ». Un ressenti à la portée de tout un chacun, selon Philippe Tesson. C’est à voir ! Car, c’est sur ce volet que le débat brutalement pâtit. Les intervenants feignent de méconnaître la Toile, mise à part Armelle Héliot qui tient un blog. Ils confondent allègrement les sites et les commentaires qui y sont postés, le chat, les blogs… dans un même maelström de piètre qualité. Ignorent-ils que leurs journaux respectifs s’investissent de plus en plus sur l’Internet, prolongeant la version papier et trouvant un nouveau public ? Ignorent-ils que des journalistes professionnels y créent des sites, avec la même déontologie et le même talent que sur papier ? Poussé par les questions du public, Jean-Pierre Léonardini le réaffirme : « Seul le talent compte, pas l’outil. ». Ouf !

Nos orateurs semblent prêter à l’Internet la même dangerosité attribuée autrefois à la radio puis à la télévision envers la presse écrite. Tout un chacun sait pourtant que les médias nouveaux affaiblissent, mais ne détruisent pas les anciens. La Toile ne pourrait-elle aussi rendre compte de spectacles que les médias traditionnels ne peuvent plus couvrir ? Qu’il est surprenant enfin de voir chez ces êtres de culture une telle frilosité et une telle superbe envers un nouveau véhicule d’échanges ! Comme s’ils avaient eux-mêmes restreint le champ de leurs découvertes, tel un Colomb trop usé pour découvrir une terra incognita ! Somme toute, engluée dans la force de l’habitude et ce qui est (re)connu, la liberté de certains critiques est toujours conditionnelle. Et restreinte par leurs propres peurs.

(Référence: Olivier Pradel, Les Trois coups)

Doc...

Mes études doctorales sont désormais enclenchées.

Le séminaire se passe bien et montre tout l'ampleur de la tâche qui m'attend en plus de poser une multitude de questions afin de bien me faire cerner le sujet, sa problématique, ses enjeux, ses forces, ses faiblesses... à un point tel qu'il est parfois un peu confondant de s'y retrouver. C'est alors que je me rappelle avec force cette citation de Cocteau (qui déjà ouvrait mon essai à la Maîtrise): Il faut d'abord avoir le droit de se nouer pour savoir ensuite se dénouer. Il me faut préciser que c'est tout de même assez grisant...

Grisant... Pourtant rien n'empêche que ce soit intense et ardu.

Le seul véritable hic, pour le moment, est le fait de ne pas avoir (et de ne pas trouver!) encore de directeur de recherche. Par conséquent, j'ai un peu l'impression de voguer à l'aveugle et dans l'institution qu'est l'Université Laval, et dans un parcours académique qui, bien que je l'aie choisi, n'en demeure pas moins monumental.