mercredi 25 mars 2009

Le théâtre, droit de cité?


Dans l'imaginaire un peu surfait du monde occidental, le théâtre antique était résolument lié à la cité duquel il émergeait. Ces représentations qu'on dit avoir été données deux fois par an (en l'honneur de Dionysos) réunissaient tous les citoyens venus chercher au théâtre l'écho des questions politiques ou métaphysiques qu'ils se posaient (M.-C. Hubert, Le Théâtre).

Quelques années plus tard (un peu moins d'un millénaire plus tard), dans le tout aussi surfait Moyen Âge, le théâtre était encore et toujours affaire de cités entières qui mettaient à profit tous leurs corps de métiers pour présenter les grands mystères religieux qui se jouaient parfois sur plusieurs jours: Plus que le roman, la poésie, le théâtre est la chose du peuple. Il est oeuvre collective (Robert Pignarre, Histoire du théâtre) Son oeuvre était didactique et constituait (un peu comme lors de la révolution russe du début du XXième siècle), le principal médium de masse...

Puis le théâtre devint aux époques renaissante, classique et moderne, affaire de classe, affaire de philosophie, affaire de combats et d'affirmation, affaire enfin de tous les ismes qui se sont succédés (réalisme, naturalisme, surréalisme, etc.) à la recherche (et pour la dispersion) d'un public toujours plus absent, tout occupé qu'il était par les diverses et nouvelles sollicitations (cinéma, internet, etc.) qu'il subissait.

Encore quelques années plus tard et cet art aboutit ici, sur les rives du Saguenay (et du fleuve Saint-Laurent)... tributaire d'une tradition nord-américaine axée davantage sur le loisir et le divertissement. Pire! Axée sur la rentabilité et l'économie. D'où le malaise ressenti lorsque ces questions se bousculent entre deux créations: pourquoi le théâtre? pour qui?

Si dans cette ville (et cette province) c'est par la culture que ça se passe, nous sommes pourtant loin du théâtre service public tel que préconisé par Vilar dans les années 50 en France. Ici, le théâtre n'est pas service public... mais produit culturel... et produit économique quand avec une piasse, les artistes en font dix! Ici, on ne s'adresse pas tant à une masse populaire mais à une jauge de salle qu'il ferait bon remplir pour le plaisir des subventionnaires. Ici, le théâtre n'a d'autres ambitions qu'être. D'où le retour de ce malaise lorsque ces questions se bousculent entre deux créations: pourquoi le théâtre? pour qui? À laquelle s'ajoute celle-ci: et que doit y tirer la Ville (ou la province, ou le pays)?