vendredi 21 novembre 2008

Parents et amis sont invités à y assister... avec avertissement préalable!

Le C.R.I. a encore frappé.

D'emblée, la nouvelle production, Parents et amis sont invités à y assister, - construite à même une oeuvre littéraire dense (de Hervé Bouchard) dont elle cherche à conserver l'essence - bouscule, déstabilise, accroche le spectateur et le perd tout à la fois. Un spectacle drôle, (dans tous les sens du terme), percutant, étrange, fort et fragile.

Un clan livre ses tribulations dans des lamentos funambulesques et bassement comiques. Figure centrale de cette polyphonie, la veuve Manchée, femme sans bras dans sa robe en bois, s'adresse à ses soeurs, à ses fils les chiens à tête de veau, à «l'épisodique Laurent Sauvé» joué par un fils de dieu – et à elle-même. Faite de monologues entrecroisés, cette oeuvre fonde un monde tout à la fois labyrinthe et scène de théâtre, où la parole a force de mythe et fait corps avec les choses et les êtres qu'elle produit ; où l'angoisse est un «orphéon» de fils chiffrés qui joue fort pour les «spectatrons» ; où les tirades sont autant de lieux, cave, coin, voiture et kiosque... Où chaque vivant, «en Hamlet qui magasine», a des morts et des pères qui lui remplissent la voix d'histoires. (Le Quartanier)

Peut-être est-ce là un bel exemple de ce qu'on nomme rhapsodie. Il s'agit donc avant tout d'opérer un travail sur la forme théâtrale: de décomposer-recomposer - componere, c'est à la fois assembler et confronter -, selon un processus créateur qui envisage l'écriture dramatique dans son devenir. C'est alors précisément le statut hybride, voire monstrueux du texte produit - ces recouvrements successifs de l'écriture que synthétise la métaphore du texte-tissu -, qui caractérise la rhapsodisation du texte, permettant l'ouverture du champ théâtral à une troisième voie, c'est-à-dire à un autre mode poétique, qui associe et dissocie tout à la fois l'épique et le dramatique. [...] C'est dans ce que Jean-Pierre Sarrazac nomme le «théâtre des possibles», où coexistent et s'ajoutent les contraires, où tout est placé sous le signe de la polyphonie que le travail rhapsodique de rapiéçage et de conjoncture prend tout son sens, engendrant dans les écritures contemporaines la structure d'un montage dynamique. (Poétique du drame moderne)

Dans la salle de répétition du Centre Culturel du Mont-Jacob, une distribution de qualité qui oscille entre le slam (dont se joue particulièrement bien Marc-André Perrier, rompu à ce type de texte) et la déclamation (magnifique Josée Laporte qui en pleure toute sa voix) austère et statique. On entend plus qu'on écoute. On ressent plus qu'on apprécie.

Scénographiquement parlant, rien. En fait, un faux rien. Que des chaises empilées. Que des matelas empilés (qui servent, par ailleurs, de cercueil, de lit, de tableaux). Et la pièce maîtresse: une robe en bois, prison vestimentaire (et hautement métaphorique!) de la mère. Tout est brut, sans illusion. Dès lors, l'aridité de la théâtralité laisse toute la place à la performance... puisque c'est de cela qu'il s'agit. Une performance... théâtrale.

Une mise en scène intéressante (parce que perplexifiante... parlez-en à mes voisins spectateurs atterris là par hasard...) dont il serait bon de connaître le processus. La richesse de la mise en scène de Guylaine Rivard (outre les ingénieuses trouvailles qui émaillent ces deux heures de représentation) se trouve principalement dans sa capacité à questionner le spectateur. Un véritable travail de recherche. Par conséquent, un spectacle qui demande beaucoup à son public.


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Parents et amis sont invités à y assister
jusqu'au 29 novembre (du mercredi au samedi)
Centre culturel du Mont-Jacob

Mise en scène:
Guylaine Rivard

Distribution:
Josée Laporte
Anne Laprise
Monique Gauvin
Jérémie Desbiens
Marc-André Perrier
Dany Lefrançois
Martin Giguère