vendredi 12 septembre 2008

Quand le cabaret fait du sarcasme...


Un cabaret populaire...

Il y avait foule à la Salle Marguerite-Tellier pour cette première représentation. Les rires fusaient de partout. Les réactions étaient spontanées. Et le public en redemandait. Faut dire que les comédiens sont très bons, drôles, et partagent une chimie que peu de distributions ont. Leurs numéros (particulièrement les chansons!) prouvent une belle imagination collective.

On y passe réellement une très agréable soirée!

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Mais la présence du spectateur à ce spectacle est requise dans un but précis et annoncé dès le départ: être cobaye, commenter... Wouhou!

Suite à la première représentation du Sarcabaret à laquelle j'assistai, je me posai donc quelques questions... après tout, dans le programme, il est spécifié que [ce que nous avons vu, ce n'est pas un spectacle. Appelons cela plutôt une mise à l'épreuve de leur recherche].

La formule cabaret...

Le contenant de présentation, si je puis m'exprimer de la sorte, est le cabaret... formule idéalisée depuis toujours par ce collectif, teintée de la vision Broadway, du music-hall.

Le résultat, quoique bien présenté, demeure très collé à cette forme, avec le Emcee extravagant, le ton, la musique, l'esthétique des costumes. Trop? Peut-être. À trop utiliser une forme convenue, ça atténue la personnalisation. Trouver leur propre forme serait encore plus convaincant...

Par ailleurs, le music-hall substitue, au théâtre traditionnel, la scène en liberté où dominent l'imprévu et l'improvisation, éléments vitalisant le spectacle (Giovanni Lista), ce qui doit provoquer des échanges constant avec le public. Dans le Sarcabaret, ce point manque encore beaucoup. Le côté appris, construit des textes et de l'interprétation, contraignent un peu l'atmosphère à une réception conventionnelle du spectateur... La spontanéité dans l'échange salle-scène, la mise en éveil des comédiens prêts à tout recevoir et tout utiliser (à l'instar de l'utilisation de la sirène d'alarme déclenchée à côté par Jérémie Desbiens et les fous rires occasionnés tant sur scène que dans la salle), bref l'inconnu, donneraient, à mon avis beaucoup plus de force et de piquant à ce spectacle.

Quant à l'esthétique... Outre les (beaux) costumes (un tantinet liza-minellien... en référence au film de Bob Fosse), le reste laisse un peu à désirer. Bien sûr, la salle impose d'innombrables contraintes... n'empêche qu'il revient au théâtre de justement théâtraliser, donner un peu plus de clinquant, de lumière, d'intérêt dans l'accessoire (d'autant plus qu'il n'y a que deux chaises), afin de rehausser la qualité de l'image scénique, de l'ambiance. Bien entendu, c'est un laboratoire. Mais toute présentation publique mérite d'être un peu plus soignée. Le bar à l'arrière - avec la lampe, l'écran au-dessus et son installation - est plus intéressant, visuellement parlant, que la scène elle-même!

Oui, c'est un détail... mais ô combien essentiel de l'art scénique...

Le sarcasme*...

Le sarcasme (du grec ancien σαρκασμός "sarkasmos") désigne une moquerie ironique, une raillerie tournant en dérision une personne ou une situation. Il est mordant, souvent même amer et blessant. Il peut être considéré comme une forme d'ironie piquante ou belliqueuse. Tandis que le cynisme relève d'une bravade contre les valeurs, les convenances et les principes de la société, le sarcasme est plutot une réaction à une situation plus piquante et amère. Il se rapproche de l'humour noir, mais est plus acerbe là où l'humour noir cherche plutot à faire rire. Le sarcasme n'est généralement pas considéré comme une forme d'humour. (Wikipédia)

Ici, une question de fond: pourquoi le sarcasme? Quelle est sa justification? Et toujours l'autre réflexion: est-ce du sarcasme? Admettons que oui... bien que je penche personnellement plus du côté de l'humour noir... particulièrement quand il se confond avec l'obscénité, la vulgarité. Il pourrait, devrait (et probablement, est-ce le cas...) être le moteur scénique de ce spectacle. Mais encore là, pourquoi? Provoquer?

Rien dans le Sarcabaret (peut-être l'ouverture... mais ce n'est pas clair) nous explique pourquoi le sarcasme fut mis au coeur de ce projet. Son rôle. Sa présence. Le sarcasme n'est pas contextualisé (par rapport aux objectifs initiaux). Il ne crée pas de ligne directrice. Il ne donne pas assez, à mon avis, d'assises solides aux différents numéros qui se succèdent.

Il demeure malheureusement trop souvent un effet, une gratuité, au lieu d'être une mécanique.

Le contenu...

Si le sarcasme n'atteint pas nécessairement son but, le Sarcabaret pourrait avoir, en quelques sortes, une ligne éditoriale. En d'autres termes, il pourrait, sans y avoir une thématique précise, fonctionner à partir d'une vision de la société, d'un questionnement, etc. Et de le marquer clairement! Présentement, les numéros (parfois un peu longs), s'éparpillent en tout sens, s'étirent et se perdent un peu pour tenter de raccrocher l'actualité en leur sein.

À ce propos, la facilité n'est parfois pas évitée... de même que le côté convenu ou déja vu de certaines répliques, de certains numéros. Je pense particulièrement ici au discours sur le «comédien en région»... sujet qui était au centre d'En attendant le dégât d'eau du Théâtre du Faux Coffre...

D'autres parts, les interventions du Emcee, ses blagues, jeux de mots et autres jeux de l'esprit sont appuyés avec un peu trop de force. Il faut faire un peu plus confiance au spectateur, à sa compréhension.

Enfin, la musique demanderait une meilleure balance de son...

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Voilà. Le Sarcabaret a vraiment beaucoup de potentiel... et cette mise à l'épreuve ne peut qu'être bénéfique pour lui. Bravo encore à toute l'équipe!

*Comme référence au sarcasme/provocation, deux oeuvres me semblent intéressantes: Outrage au public de Peter Handke, pour le ton, le style, la forme... et l'intégral de RBO... pour la systématisation de la méchanceté, du «sarcasme».