vendredi 11 avril 2008

LE RIRE DE LA MER [Histoire d'une mise en scène]

Jeudi soir passé (soit hier...), je suis allé à Roberval pour assister à la reprise des représentations du Rire de la mer au Mic-Mac.

Quand le metteur en scène devient spectateur...

J'ai déjà annoncé mes couleurs: j'ai beaucoup de difficulté à regarder mon travail sans vouloir, à tout coup, remonter sur la scène, arrêter les comédiens, les faire reprendre, ajuster des réactions. J'aime le spectacle, oui. Je suis très content des critiques et de ce qui se dit à son propos, bien entendu (qui ne le serait pas?). Cependant, je dois avouer que plus les critiques sont bonnes et positives (euphémisme!), plus mes exigences se font insistantes.

Donc, me voilà dans la salle (dans la régie pour être plus précis... ce qui doit quand même stresser un peu le jeune régisseur, Sébastien, gagnant d'Expo-Science 2008, qui s'en tire, par ailleurs, fort bien). Je vis littéralement avec les acteurs. Un peu plus et je bougerais comme eux. Je remarque tout: les accrochages de texte, les répliques sautées, les manques dans les éclairages, dans les déplacements, la façon dont ils manipulent les boîtes, les intentions floues, les baisses d'énergie. Je deviens en fait, un sur-spectateur. Je connais le spectacle intimement. Tel qu'il a été fait, tel qu'il est, tel qu'il devrait être... Bref, je ne regarde pas, je scrute! Et les idées affluent... seulement, je n'ai pas le temps de les concrétiser...

C'est d'autant plus vrai que dans le cas du Mic-Mac, je suis loin et ne peux assister à toutes les représentations. Quand la chance se pointe, je tente de maximiser mon temps là-bas. Et mes comédiens reçoivent, dès le lendemain, une série de notes. J'espère qu'ils les reçoivent avec plaisir (!) et non en bougonnant! Je ne leur ai jamais vraiment demandé je crois... C'est comme un rappel constant que je suis avec eux. Que je ne les laisse pas tomber... Ça ressemble à cela (ne soyez pas perdus, c'est presque un langage codé qu'eux devraient comprendre!):

Bonjour tout le monde (ou plutôt, bonsoir)! Encore une fois, j'ai passé une belle soirée hier. C'était relativement une bonne représentation (compte-tenu du fait que c'est la première reprise!). Voici donc mes quelques notes:

Généralement, les choeurs se sont foutument améliorés... Il reste encore cependant deux endroits où ça accroche: 1- le choeur venant tout de suite après le cimetière: après «4ème histoire», vous enlevez vos casquettes... mais ça se fait toujours tellement dans un vide... essayez d'y mettre un peu de vie. Je vous l'ai déjà dit, à ce moment, vous vous interrogez sur votre rôle... 2- les choeurs avant et après le tatoueur: tout y est un peu mou, décousu, et surtout pas précis!!! Ce n'est pas une régression que de prendre 10 minutes, dans la salle, s'il le faut, pour vérifier ensemble, sur scène, toutes vos réactions de cette partie. Le spectacle y gagnerait, croyez-moi! Plus le temps va passer, plus vos réactions entreront dans une mécanique (et plus vous en oublierez... ou bien vous allez juste cesser de les marquer...) qu'il vous faudra surveiller. Je vous en conjure, prenez le temps d'une italienne s'il le faut, mais réviser, tableau par tableau, ce que le choeur fait, à quel mot, à quelle vitesse...

Pour rester dans ce thème choral, je trouve que toutes les réactions dans les tableaux devraient être revues (dans le sens de repasser une par une). Elles doivent être vives, brèves, surprenantes. Ce sont des «flashs», des ponctuations! Hier, je trouvais que vous les étiriez un peu. C'était légèrement languissant. De ces ponctuations, vous en faisiez presque des phrases. Donc, attention.

Sinon, les personnages en tant que tels furent plutôt bien contrôlés hier soir. Attention encore une fois à ceux qui ont tendance à baisser le volume... C'était parfois limite. Surtout lorsque vous êtes seulement deux (ex.: docteur-Péné., Alex-Péné., Tatoueur-Péné.)

Les changements de décors semblent bien se dérouler. Ils m'apparaissent assez fluides. Je le redis et le répète, voyez-les comme des défis que vous vous lancez aux autres, au public. (d'ailleurs, pendant que j'y pense, Claude... durant le mur des bretons, ne dis surtout pas au public «soyez patients...». Il ne faut en aucun cas que ça ait l'air long ou que ça sonne comme une excuse. Vas-y d'un «ils sont bons, hein...» ou d'un «c'est plutôt joli» ou que sais-je!). Ne précipitez rien. Ce n'est jamais un concours de vitesse. Quelques remarques de boîtes:

Construction cimetière: la petite tombe à jardin était longue à faire... Les deux petites tombes devraient se terminer en même temps...
Déconstruction cimetière (construction mur breton): Gervais, aide Ursule à débarrasser le monument central avant de défaire ta petite tombe, pour faire une symétrie agréable à regarder. Quand vous vous lancez des boîtes pour construire le mur, assurez-vous qu'il y ait un receveur parce que voir valser des boîtes qui atterriront n'importe où ne me plaît guère...
Construction tatoueur: les filles (Sonia et Jocelyne)... assurez-vous que votre devant soit placé au centre du bloc de derrière... Attendez, s'il le faut, que ceux de derrière aient placés leur base avant de sortir, juste pour vous assurer que tout est en ordre. Hier encore, le divan du tatoueur était tout croche (et quand il n'est pas centré, je le répète, la scène d'après, «Ste-Rose», n'est pas dans son éclairage...).
Construction Épidaure: C'est bien! Quand la musique arrête et que vous regardez Sébastien, pouvez lui crier: «Hey! On n'a pas fini!»... Sinon, n'oubliez pas que c'est l'apothéose ce changement. C'est la finale du spectacle. Ça doit se faire dans l'allégresse, tout le monde s'aime, tout le monde il est bon, tout le monde il est beau.

Tout d'abord, Céline, n'oublie pas que tu dois t'amuser, que tu dois te nourrir de toutes ces démesures sorties de l'imagination de Pénéloppe. Ce n'est pas un personnage simple et banal: elle est en face de grandes figures historiques, dans des contextes un peu fous et tordus... au grand jamais elle n'est dans un réel, un quotidien fade... Vie et plaisir! Go Céls go! Tu es au centre de tout. Dresse-toi au milieu d'eux comme la maître(sse)-d'oeuvre de l'imagination!

Prologue: c'est bien. Un peu vite mais très bien.
Docteur: belle scène. Hier, à mon avis, c'était le meilleur docteur... Le mur manquait un peu d'élégance quand il s'est construit mais bon...
Musée: C'était bien. Réjean, essaie de faire une entrée en douceur... et juge si c'est mieux... Attention Céline et Réjean, vous étiez un peu trop dans le fond. Réactions du choeur un peu hésitantes... et un peu déphasée par moment. Au «TAXI!», sursaut... et le changement pour aller vers le taxi doit être plus rapide que ça... vous le languissez un peu aussi celui-là.
Taxi: ok... un peu long votre entrée Gervais et Marie...
Lit: demande spéciale: les filles, accordez-vous pour la mise du drap rouge... essayez, du moins, de chanter le même air. Réactions du choeur trop longues (et lentes quand il ne s'agit que de mouvements).
Cauchemard: Tête de lit, vous commencez trop vite et trop fort votre musique distordue et effrayante. Laissez à Péné. le temps de dormir... et le rêve s'insinue doucement, pas brusquement! Sonia, quand t passes sous les arches, n'hésite pas à commenter ton beau jeu (de croquet!)... et Céline, pendant que ta soeur passe sous ses arches, sois complètement éberluée... pour combler un peu les temps morts.
Cimetière: Gardien et choeur manquaient de complicité... C'est si beau quand la chimie passe entre vous... Ensemble, révisez vos actions. Molière manque définitivement de vivacité. Il est bien présentement... alors imagine quand il est extravagant! La fatigue peut-être...
Bretons: Chers Bretons, ça marchait assez bien. N'oubliez pas la tenue de vos personnages, les gestes «toutous»... ne jouez pas trop avec la table, parce qu'elle brasse beaucoup... «Q» pour Sébastien (et pour vous les Bretons: les «blacks» dans les entre-scènes sont peut-être un peu trop longs...
Ulysse: Attention au texte... Il y a eu plusieurs répliques escamotées... Outre ces accrocs, j'aimais bien. Toutefois, ça piétine un peu... Ulysse et Télémaque. Euryclée crie un peu trop sur «Il va falloir tout nettoyer». Beau Tit-Coq, un peu trop à cour par exemple...
Tatoueur: J'ai trouvé cette scène un peu confuse: les choeurs surtout (et le décor). C'était très très mou. Rien n'était synchro... Céline, quand tu arrives, tu ne dois pas rester près de la colonne, tu es dans le noir! Ange ok. Pendant Dieu, le choeur semblait à cours d'énergie!
Ste-Rose: Belle scène encore les amis. Sauf que vous ne parliez pas assez fort.
Finale: Elle était très bien.

Bref, une belle soirée... et comme le dis notre Rita de Verdun dans le tatouer: «J'étais quasiment ému, câl...»... Ce soir, amusez-vous encore une fois, rester à l'écoute de ce qui se passe. Ne prenez rien pour acquis, c'est le pire ennemi du théâtre! MERDE MERDE ET REMERDE!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Je suis très fier d'eux, de ce qu'ils accomplissent... Ce n'est pas facile, c'est un spectacle de longue durée qui demande beaucoup physiquement.