jeudi 6 mars 2008

Plan de carrière au coeur de l'hiver


Séquestré chez-moi, enseveli sous la neige (et ce n'est pas qu'une simple façon de parler!), je passai la journée d'hier bien calé sur mon sofa à grapiller dans des textes dramatiques avec le seul objectif avoué de relire des passages qui m'ont toujours plu.

Ce qui, au départ, n'était qu'un jeu - et le restât par la suite - devint, en quelques sortes, l'établissement d'un plan de carrière... à réaliser dans les prochaines années (d'ici disons 20 ans!). De palmarès en palmarès se sont échafaudés des projets utopiques, des envies de metteur en scène, des visions scéniques (peut-être aurais-je dû manger...)...

Voici donc, s'il ne me restait que cinq mises en scène à faire, les cinq textes - mes cinq plus grand coups de coeur - auxquels j'aimerais me mesurer... les cinq textes qui m'appellent définitivement à la scène... Un jour, traversant le pont rendu à la rivière, je tenterai de trouver ce qui unit tous ces textes.

J'aimerais faire deux spectacles à grand déploiement, tant pour le plaisir des grandes distributions... que pour le défi que pose ce genre de projet de grande envergure. Deux spectacles acerbes, se nourrissant du cynisme et de l'ironie, montrant l'homme (à titre épicène!) comme étant un complexe mélange de cruauté et de fatalité. L'un ayant pour thèmes principaux la vengeance et la cupidité (LA VISITE DE LA VIEILLE DAME de Friedrich Dürrenmatt) et l'autre, la monstruosité du pouvoir et la trahison (AMORPHE D'OTTENBURG de Jean-Claude Grumberg).

Pour me reposer de ces projets colossaux, j'aimerais, par la suite, me concentrer sur deux textes plus simples en apparence... délaissant le cynisme et l'ironie pour le résultat de ceux-ci: l'abandon, l'érosion et le vide angoissant de l'existence.

TRAVAIL À DOMICILE de Franz Xaver Kroetz, est, à mon avis, l'un des textes les plus durs que j'ai lu. Gouffre sans fond d'indifférence et de désespoirs... À partir de Kroetz, c'est une incurion dans le théâtre du quotidien ( «[...] où constamment le réel est détourné: s'inscrire dans la banalité - enfouir les problèmes important - loin dans la tête. Il ne s'agit pas d'une démonstration claire (les personnages ne se révoltent pas, ne dénoncent rien) ni de rendre compte du déroulement continu de la vie mais d'un choix de moments où rien n'est dit explicitement et où surgissent le mieux l'aliénation et le refoulé de toute une vie. [...] Ce n'est pas un théâtre de la réalité mais un théâtre où la réalité s'impose violemment dans la tête.» WENZEL, J-Paul et Claudine Fièvet, Pour un théâtre du quotidien).

MUSIC-HALL de Jean-Luc Lagarce, illustre l'effacement progressif de la personnalité, du sens de la vie, au gré des écueils et des récifs du monde du spectacle... Ici, pas nécessairement de désespoir... non... il s'agit du règne de la lucidité... de la lucidité qui consumme l'existence... cette même lucidité qui fait les grandes tragédies. Le personnage si conscient de lui-même qu'il ne peut que se briser sur son propre reflet...

Et enfin, PHÈDRE de Jean Racine, le plus classique des classiques... pour sa perfection de la forme, du sujet et des sentiments exprimés... pour son héroïne qui s'autodétruit... pour la fureur que contient ce texte, son extrémisme, sa corrosive solitude...

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. »

(Phèdre (vers 161))


Ne me reste plus qu'à travailler maintenant...