jeudi 31 juillet 2008

Les rois pêcheurs... ou quand la ouitouche fait rire le monde!


J'ai assisté hier soir à la représentation des Rois pêcheurs, présentée à (par...) la Vieille Pulperie de Chicoutimi. Dans cet endroit magnifique loge donc désormais du théâtre d'été dans sa plus simple expression: ici, pas de recherche, pas de révolution théâtrale, pas de théorie, pas de message... j'imagine qu'il en faut. Que de la tradition et du rire (le «théâtre d'été» tel qu'on l'entend se rapproche d'ailleurs beaucoup plus du spectacle d'humour avec ses numéros de standing et ses blagues à la tonne).

Jimmy Doucet (un compatriote jeannois... exilé à Québec, je crois) en est le maître d'oeuvre en tant qu'auteur, metteur en scène et comédien.

Alors qu'ils se préparent pour une fin de semaine de pêche, Fernand et Julien voient avec surprise surgir, dans leur petit paradis, Marie-Soleil... première participante au forest dating... Alors, explications de mise: pour ne pas perdre leur chalet, Julien à, dans le but d'empocher 15 000$, proposé de transformer leur oasis en agence de rencontre en forêt... l'a fait... et oublié... À partir de cette prémisse, les mensonges s'accumulent pour accommoder cette cliente (liste de réservations, internet dans le camion, etc.) pour le plus grand plaisir des spectateurs (fort nombreux!)... et des amateurs de pêche!

Le texte (bien qu'ayant une intrigue fort mince et tombant régulièrement dans la facilité) est assez bien ficelé... du moins, beaucoup plus que ce que le résumé (Les Rois pêcheurs raconte l’histoire de deux pêcheurs qui amènent deux célibataires en forêt pendant trois jours afin de les unir avant de les retourner à la civilisation) et l'affiche laissent présager. Bien qu'il y ait quelques longueurs, le tout est porté par les comédiens avec un plaisir manifeste qui peut faire comprendre le succès de ce spectacle. Doucet connaît son public estival et sait créer des situations qui correspondent parfaitement à ses aspirations.

La mise en scène est plutôt primaire (mais à part faire rire, ce spectacle a-t-il d'autres prétentions?)... ce qui n'enlève rien à la direction d'acteurs qui elle, s'avère plutôt réussie... Les trois comédiens - Jimmy Doucet (Julien et Poupout26), Pierre Turcotte (Fernand) et Meggie Proulx-Lapierre (Marie-Soleil) - font preuve de constance et de dynamisme tout au long de cette heure trente que dure la représentation et présentent des personnages bien campés... définis à très gros traits... ce qui fait leur charme. Parfois, peut-être le genre le commande-t-il, ils semblent portés par les rires venant de la salle et versent alors dans le surjeu et le cabotinage... qui passent aussi malgré tout. Ne connaissant pas ces comédiens (ni leur provenance, ni leur cheminement), je n'ai, par ailleurs, aucun autre point de comparaison... et n'ayant pas de programme (qui manque cruellement je dois dire!), j'ignore si ce sont des comédiens professionnels ou non.

Photo: Sylvain Dufour (Le Quotidien)
tirée du site Cyberpresse.ca

Les décors situent l'action: une forêt en toile peinte, une façade de chalet en bois rond, des arbres, des bûches, des chaises, ben du cossin... et un bassin d'eau sur lequel vogue une chaloupe! L'ensemble niché au coeur de ce bâtiment historique fascine et impressionne probablement les néophytes.

La technique est peut-être le point le moins convaincant. Les éclairages ne sont confinés, finalement, qu'à un rôle utilitaire: voir. Aucune sémiologie de la lumière... et je ne sais si ce sont des effets, mais parfois, au cours des scènes (à deux ou trois reprises) il y a de brusques changements qui donnent l'impression que le régisseur s'est assoupi sur un curseur de la console. La trame sonore ne casse rien... et agresse parfois... surtout quand c'est un téléphone cellulaire qui sonne avec un niveau de décibels à faire rougir un marteau-piqueur.

Vraiment, mea culpa, je ne m'attendais à rien et j'ai passé une soirée plutôt divertissante.

Une soirée plutôt divertissante qui ne parvient pourtant pas à dissiper un certain malaise... quant au fait que c'est, en quelque sorte la Ville (par le biais de la Pulperie) qui se donne un théâtre d'été et qui vont se chercher une équipe de l'extérieur alors que des compagnies occupent déjà ce créneau (je sais, ce n'est pas la même clientèle)... quant aux moyens (tant techniques que financiers) mis à la disposition de cette équipe (particulièrement au niveau de la promotion)... Peut-être est-ce aussi un simple accroc à la vertu, un pas de plus vers ces péchés capitaux que sont l'envie et la jalousie... Bon été à eux!

dimanche 27 juillet 2008

Les cycles dans l'histoire


Je ne suis pas un expert, loin de là, mais, me semble-t-il, le milieu théâtral au Saguenay vit au gré de cycles qui sont quasi-récurrents et qui peuvent se vérifier dès que l'on s'intéresse le moindrement à l'histoire:

1-ORGANISATION/RESTRUCTURATION
2-EFFERVESCENCE/DYNAMISME
3-STAGNATION/ESSOUFFLEMENT

4-ÉPURATION/SÉLECTION NATURELLE

Après l'intense activité du théâtre amateur dans les années 50 (début 60), il y a eu une période creuse jusqu'à l'avènement de la création collective, des événements et de la création des compagnies-phares à la fin des années 70 (début 80)... puis un autre moment de repos avant l'arrivée massive de la relève à la fin des années 90. Comprenez bien, je ne dis pas qu'il ne se passait rien, ce serait faux... je dis que des moments difficiles succédaient aux moments forts.

Si on se rapporte alors aux dix dernières années, avec l'installation permanente d'un milieu professionnel, avec (outre le trio de base Rubrique-Têtes Heureuses-Amis de Chiffon) la création du CRI, du 100 Masques, du Faux-Coffre, de la transformation de la SMDM en ManiGanses (qui offre désormais et un Festival et un Entredeux festival), des nombreuses autres initiatives indépendantes (OSSLSJ, Vicky Côté, les collectifs Tortue Noire et Chassepinte, etc.), force est d'en constater l'étonnante poussée dynamique.

Pourtant, les «problèmes» commencent à poindre... lentement mais sûrement: fractionnement du bassin de spectateurs, de comédiens... fractionnement des enveloppes budgétaires (qui n'augmentent pas proportionnellement... causant des coupures de subventions, des choix surprenants) échues à la culture dans la région... surenchère de l'offre théâtrale... manque d'espace. L'impression de vitalité (pourtant bien réelle) cache aussi des vices qui minent le milieu de l'intérieur: le cynisme et l'essoufflement.

Je ne pense pas qu'il faudrait «nettoyer» au sens de choisir quelle compagnie demeure et laquelle ferme ni quel artiste est supporté au détriment de quel autre. Toutefois, je crois qu'il serait bientôt temps de convoquer, puisque c'est la tendance, des États généraux du théâtre à Saguenay (les compagnies, les artistes et travailleurs culturels, les subventionnaires, les élus municipaux, provinciaux et fédéraux, le Centre local d'emploi) pour voir à une véritable restructuration du milieu avant que celui-ci ne s'effondre sur lui-même... pour maintenir l'élan, pour maintenir notre spécificité, pour maintenir une présence théâtrale forte.

P.S.: je n'ai plus de café chez moi... peut-être est-ce la cause de ce pessimisme dominical...

samedi 26 juillet 2008

Pour une formation de l'acteur


Quand on lit le moindrement sur le théâtre et les metteurs en scène de l'histoire dramatique, on se rend vite compte que chacun de ceux-ci (je pense entre autres aux Stanislawski, Meyerhold, Brecht, Schlemmer, Copeau, Jouvet, etc.) basait sa recherche sur l'acteur. Pour atteindre des résultats probants, ils croyaient en la formation complète de l'acteur... le jeu demandant un entraînement poussé et régulier.

Voici peut-être ce qui manque le plus à notre milieu. Oui, il y a l'Université (mais je rappelle que la formation dispensée dans cette institution reste en surface... aléas de l'interdisciplinarité). Oui, des initiatives émergent parfois (comme celle de Marie-Josée Paradis et Sophie Larouche de créer des séances hebdomadaires d'activités). Oui, il y a aussi le CRI qui offre à l'occasion des laboratoire... mais ceux-ci étant la plupart du temps relié à la recherche et à la création en cours.

Pour pallier ce manque, après une synthèse non-exhaustive de mes lectures, après une recherche non-empirique sur le sujet, voici un esquisse de projet de formation continue pour le comédien en 5 volets:

CULTURE GÉNÉRALE (Ouvrir l'âme et l'esprit à se préparer à recevoir des références, des images mentales, des abstractions et à les comprendre. Amplifier la curiosité créatrice en organisant des sorties, des lectures, des vissionnements, des séminaires de discussions sur des sujets variés.)
CULTURE PHYSIQUE (Détendre le corps et augmenter ses capacités en travaillant la force musculaire et le cardio-vasculaire par un entraînement quotidien.)
TRAVAIL SPATIAL/CORPOREL (Étude sur l'espace, la distance, la dynamique, le geste, le mouvement par acquérir un vocabulaire corporel élargi, une précision et une maîtrise de l'outil, que ce soit par des ateliers de mime, de danse, de taï chi, de biomécanique, de jeu choral, de jeu masqué, etc.)
TRAVAIL VOCAL (Entraînement vocal régulier par divers exercices de réchauffement, par le chant -solo et choral-, par des ateliers de diction, de respiration et de lecture à haute voix.)
DRAMATURGIE et SCÉNOLOGIE (Enfin, séances d'études dramaturgiques, de composition, d'analyse théâtrale, de la structure dramatique, du rythme, de la dynamique d'un texte, des intentions en parallèle avec des études scénographiques et techniques propres à l'analyse du spectacle.)

Ce genre de projet devrait être mis sur pied, sur une base professionnelle, avec une fréquence régulière à raison d'au moins une rencontre hebdomadaire... parfois de plus, selon les calendriers.

Le jeu (et par conséquent la mise en scène...) demande un investissement, un engagement profond et continuel de celui qui le pratique. Ce métier devrait se comparer au sport et aux athlètes.

De la forme...

Pablo Picasso (Espagne, 1881-1973), Peintre et Modèle Tricotant, 1927,
(tiré du Chef-d’oeuvre inconnu, Honoré de Balzac, édition 340).

Il existe une petite nouvelle de Balzac (l'intégralité de celle-ci est en lien) intitulée Le chef-d'oeuvre inconnu.Cette nouvelle est fort intéressante oui pour son côté littéraire et sa fable... mais surtout pour son discours sur l'art, sur la forme.

«Votre main reproduit le modèle que vous avez copié chez votre maître, sans même y penser. Vous ne descendez pas assez dans l'INTIMITÉ de la forme. [...] La FORME est un truchement pour se communiquer des idées, des sensations, une vaste poésie.» Honoré de Balzac, Le chef-d'oeuvre inconnu, p.16

En gros, voici l'histoire (résumé tiré de Wiki...):

Le jeune Nicolas Poussin, encore inconnu, rend visite au peintre Porbus dans son atelier. Il est accompagné du vieux maître Frenhofer qui émet de savants commentaires sur le grand tableau que Porbus vient de terminer. Il s’agit de Marie l'Égyptienne dont Frenhofer fait l’éloge, mais qui lui paraît incomplet. En quelques coups de pinceau, le vieux maître métamorphose le tableau de Porbus au point que Marie l’Égyptienne semble renaître à la vie après son intervention. Toutefois, si Frenhofer maîtrise parfaitement la technique, il lui manque, pour son propre chef-d’œuvre La Belle noiseuse à laquelle il travaille depuis dix ans, le modèle en art idéal, une femme qui lui inspirerait la perfection vers laquelle il tend sans jamais l’atteindre. Ce futur chef-d’œuvre, que personne n’a encore jamais vu, serait le portrait de Catherine Lescault. Nicolas Poussin offre au vieux maître de faire poser la femme qu’il aime : la belle Gillette, ce que Frenhofer accepte. La beauté de Gillette l’inspire à tel point qu’il termine la Belle Noiseuse très rapidement. Mais lorsque Poussin et Porbus sont conviés à l’admirer, ils n’aperçoivent sur la toile qu’une petite partie d’un pied magnifique perdu dans une débauche de couleurs. La déception qui se lit sur leur visage pousse le maître au désespoir. Frenhofer détruit son tableau et se suicide.

vendredi 25 juillet 2008

NONO ou la démarche de Dario

John Taylor Arms (American, 1887-1953).
Le Penseur, Notre Dame, 1923. Etching.

Courriel envoyé par Guylaine Rivard suite à sa présence lors de la septième représentation de Nono:

Il n'y a pas à dire Dario tu es un metteur en scène avec qui je reconnais partager plusieurs affinités. En effet, ton esthétique et ton approche de la mise en scène me rejoignent beaucoup (même si notre perception du travail avec les acteurs se distingue). J'ai eu la chance d'assister à près d'une dizaine de tes mises en scène et à chaque fois, je m'incline reconnaissant la rigueur et l'importance d'un créateur comme toi pour notre milieu. Ton travail m'amène presque toujours à réfléchir sur certains concepts (la biomécanique (Meyerhold), la place du texte dans la création théâtrale, la forme minimaliste, etc.). Tu fais un travail remarquable qui se raffermit d'un projet à l'autre, mais qui à mon avis (comme pour la plupart des créateurs, en l'occurrence moi) aurait avantage à être bousculé afin d'explorer (proposer) d'autres combinaisons possibles se rattachant à ta vision ou ta démarche artistique.

Chapeau pour ta mise en scène de Nono.

Encore une fois tu amènes le public ailleurs. Un théâtre d'été non conforme. J'ai passé un agréable moment c'est certain, mais je crois que j'aurais apprécié davantage si je n'avais pas vu quelques unes de tes productions antérieures. Je salue la force du vocabulaire gestuel de plus en plus défini de ton travail. Une sorte de grammaire personnelle qu'on retrouve d'un projet à l'autre, qui, à mon avis, pourrait aussi devenir un piège pour le metteur en scène que tu es. Surtout si les textes choisis tournent toujours autour des mêmes thèmes (comme ce fut le cas pour Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, Les monstres de l'orgueil et Nono).

J'ai apprécié le spectacle et j'ai pris plaisir à voir évoluer les comédiens. J'adore le style maniériste de l'interprétation (rien à voir avec le jeu réaliste qu'on retrouve généralement), une manière fort judicieuse de peindre les extrêmes autour de la dynamique du couple (passion, drame, violence). Toutefois, j'admets avoir ressenti une certaine irritation quant au dosage de la caricature surtout en première partie.

Curieusement, malgré la forme minimaliste que tu proposes, l'espace scénique devient extrêmement dense avec le jeu des comédiens ou la chorégraphie scénique. Un aspect qui m'a parfois donné une impression de surcharge, comme si tout était ramené au même niveau. Peut-être qu'en dosant certains caractères ou en épurant quelques passages, les moments forts auraient été plus payants pour tous. Personnellement, j'aurais apprécié me faire surprendre davantage par tous ces petits morceaux savoureux que tu proposais, mais qui pourtant ne m'ont pas amenée à m'éclater (et puis je n'étais peut-être pas très réceptive ce soir-là). Voici en gros mes commentaires Dario. J'espère qu'ils n'auront pas une plus grande portée que ce qu'ils valent réellement, car je ne me considère vraiment pas sans failles et contradictions, surtout quand il s'agit d'émettre des idées personnelles sur le travail de mes camarades. Sois sûr de mon plus grand respect Dario. Merci

Voici donc l'espace approprié pour recevoir les commentaires!
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Depuis quelques jours, je me suis replongé dans Le théâtre de la mort de Kantor... et voici quelques extraits qui m'ont carrément sauté aux yeux de par leur concordance avec ce que Guylaine écrit:

LE POIDS DU RADICALISME EN ART (1963)
(tiré du Manifeste du "Théâtre Zéro")

La RUPTURE, même unique, a une influence essentielle sur le DÉVELOPPEMENT de l'art. Elle purifie l'atmosphère des falsifications, des mythes, des alternatives artificielles, des querelles vaines entre tendances et soi-disant solutions. Elle met entre parenthèses l'image du théâtre d'aujourd'hui.

Les nuances stylistiques du théâtre actuel sont assez nombreuses: théâtre pseudo-naturaliste né de la paresse et du confort; théâtre pseudo-expresionniste dont après une authentique déformation de l'expressionisme il n'est resté qu'une grimace gênante, morte, stylisée; théâtre surréalisant qui applique de tristes ornements surréalistes, à la façon des magasins de mode; théâtre qui n'a rien à risquer et peu à dire qui fait preuve de mesure culturelle et d'élégance éclectique; théâtre pseudo-moderne usant de tel ou tel moyen emprunté aux diverses disciplines de l'art contemporain auquel, prétentieusement, il s'accroche par artifice. (p.92)

[...]

L'ÉVOLUTION de l'artiste, si importante pour qu'il puisse garder sa vitalité, n'est pas un PERFECTIONNEMENT de la forme. Le perfectionnement, si apprécié et adoré par l'OPINION conventionnelle, devient avec le temps, une APPARENCE de création et un moyen qui apporte l'approbation, l'acceptation, et à l'artiste lui-même un abri, une paix paresseuse mais aussi le prestige. L'ÉVOLUTION est une adaptation constante de l'artiste à son époque, jusqu'à la fin de ses forces intellectuelles (hélàs!). (p.127)

mercredi 23 juillet 2008

Scène dynamique ou agonique?

La mort de Molière, 1673
(exposé au Salon des Artistes Français de 1912)
Renard Emile (1850-1930)

N'y a-t-il pas danger que la théâtralité spectaculaire, l'effet de mise en scène et les nouveaux médias prennent toute la place, finissent par absorber l'essence même du théâtre en le poussant inéluctablement vers le cliché («Le cliché est une tradition vidée de son sens» disait l'omniprésent Meyerhold)? En noyant le principal vecteur de cette dite théâtralité - l'acteur - dans une mécanique où il n'a plus d'emprise?

Cette question, je me la pose en repensant à mes dernières productions où ce n'est pratiquement plus la performance des comédiens qui frappent mais la mise en scène elle-même... et encore! Pas la mise en scène tant que les punchs scéniques... La scène s'autosuffit en quelques sortes...

Et si elle absorbe tout, la scène peut-elle se survivre, se résister à elle-même pour demeurer dans le mode communication? Ne s'absorbera-t-elle pas dans un néant dénué de sens? Un trou noir? Ne restera-t-il plus, à la fin de la représentation, qu'un objet inutile (le spectacle), artéfact d'un tout (le théâtre) devenu incontrôlable... tyran atrophié?

L'autonomisation... N'est-ce pas là son écueil fatal? Ce que d'aucuns nomment le théâtre postdramatique reflète-t-il une évolution naturelle ou un signe prémonitoire d'une agonie déjà consumée?

dimanche 20 juillet 2008

NONO [Nouveau journal d'une mise en scène]... Bilan...



Le rideau est baissé. Nono appartient déjà à la théâtrographie du Théâtre 100 Masques et fait place, désormais, aux prochains projets. Bref, on ferme(ra bientôt!) les livres.

Avant de s'atteler à cette tâche administrative, quelques mots sur la production... en tant que directeur général et artistique de la compagnie et en tant que metteur en scène.

De la direction...

Tout d'abord, l'administrateur en moi se réjouit. Je ne connais pas encore les chiffres officiels, mais je sais que l'assistance (malgré le fait que peu d'argent ait été investi dans la publicité) a considérablement augmentée par rapport au trois dernières années, rejoignant celles des débuts du 100 Masques. (N.B.: La liste des spectateurs révèlent de drôles de lacunes: outre trois étudiants que je pourrais nommer, aucun autre ne s'est présenté... et il en va de même pour une très longue liste d'artisans du théâtre régional...) Par ailleurs (et en conséquent!), nous terminons la saison estivale avec un surplus budgétaire intéressant. La couverture médiatique fut aussi (quoique sans être enthousiaste!) fort utile et les commentaires reçus pour ce spectacle s'avèrent généralement positifs... dépendamment des soirs.

Du metteur en scène...

Arrive ensuite le metteur en scène... l'exigeant metteur en scène, devrais-je plutôt dire! Celui qui descendait de la régie, chaque soir, avec des notes plein la tête, des remontrances post-représentation et un air qui semblait dire: «Vous avez aimé? Vous êtes chanceux!».

Oui, je l'ai dit, je fus assez satisfait de ce travail (notez que le assez, ici, sous-entend que d'importantes améliorations auraient pu et dû être!). Ce qui me plaisait le plus avec ce texte de Nono, outre le thème et le style, était sa qualité matricielle. Ce texte, qualifié peut-être avec raison d'immature, contient pourtant, en filigrane, tout ce qui fera l'oeuvre future de Guitry. Oeuvre de jeunesse pour un théâtre qui se veut pour la relève... avec, je l'avoue, des longueurs qui rendait ces multiples répliques (et ce rythme, et cette fable) difficiles à soutenir. Mais c'était un choix depuis longtemps assumé... et une jouissance toute théâtrale d'enfin pouvoir s'y attaquer. J'aime le vaudeville. J'aime le répertoire français d'entre 1850-1910. Je n'y peux rien.

Le travail avec les comédiens fut aussi agréable que facile. Jérémie, Émilie et Alexandre se sont vite remis à la tâche, pour poursuivre les expériences antérieures (Tordus, Les Monstres de l'orgueil, etc.). Marilyne et Frédéric, après un (très) court temps d'adaptation, se sont également laissés aller. Je voulais du sang neuf... je l'ai eu. Au détriment du spectacle? Je ne pense pas. S'il y avait des inégalités dans l'interprétation (particulièrement des personnages principaux), j'en fus fort probablement la cause. Par choix. Pour maintenir le contraste entre les deux monstres d'égocentrisme (et de froideur) que sont Robert et Nono d'une part et des autres victimes (hystériques) de l'autre. Mais bon... Ce serait à refaire que je pencherais encore pour la même distribution. L'équipe était dynamique, fonceuse quasi ponctuelle (le pire des défauts!)... et, pour la plupart d'entre eux, rompus au jeu scénique. Le plaisir était (presque...) toujours au rendez-vous. Ce qui fait qu'avec eux, j'ai pu travailler un style de jeu encore assez mécanique mais qui laisse peu à peu entrevoir une certaine aisance et liberté dans le geste. Je réfléchis encore et toujours pour aboutir à quelque chose de cohérent et de solide un de ces jours... Oui, le texte aurait pu être mieux porté... mea culpa... mais je le redis, dans mon cas, la forme supplante toujours le contenu et prend donc la majorité du temps de répétition.

D'autre part, je suis également assez satisfait du travail esthétique qui, par manque de moyens, me fut aussi attribué par le directeur artistique, soit moi-même. Ce fut un autre sempiternel (et désespérant parfois) travail solitaire. À part quelques détails qu'il m'aurait fallu peaufiner pour aller au bout de la chose (chaises blanches, journal autre que le Voir, bouquet, table branlante), j'ai eu beaucoup de plaisir à concevoir l'espace, les costumes, l'éclairages et les maquillages. En fait, chacun de ses domaines relèvent directement de la mise en scène et apparaissaient selon les besoins... et avec une contrainte de taille: il n'y avait pas d'argent pour acheter quoi que ce soit... et tout devait donc être déjà dans les caves du 100 Masques. Le point esthétique qui me convainc le moins - comme toujours! - concerne la musique (parler de conception sonore serait une hérésie dans mon cas!). Pas le choix de l'accordéon, non... mais bien de son utilisation, de son insertion dans le spectacle qui aurait dû être plus soignée (d'autant plus que la qualité du système de son de la Salle Murdock est un peu déficiente). Je l'ai dit maintes et maintes fois au cours des dernières années, le son est quelque chose que j'oublie rapidement... et le fait de n'avoir personne pour s'en occuper devient vite une épine dans mon pied artistique!

Ce n'est donc pas une conception générale comme telle... mais plutôt un collage! D'où peut-être, parfois, l'impression d'inachevée (je le prends... même si... lol) évoquée par Madame Laforge.

Oui. Je suis assez satisfait de Nono. Même si, à chaque soir dans la régie, j'aurais refait ce monde à toutes les répliques! Même si, certains soirs, j'ai probablement accentué ma calvitie naissante (euphémisme!) en m'arrachant les cheveux devant un décrochage, un cafouillage brouillon, une faiblesse dans le dynamisme, etc... Même si j'ai la satisfaction toujours minée par la remise en question.

Enfin, les flops...

Sans m'étendre trop longuement sur le sujet pour en avoir déjà parlé abondamment dans un billet précédent, juste quelques mots sur la publicité (placements produits) intégrée à la représentation. Il s'agissait d'un engagement de bonne foi qui s'est vite transformé en boulet. L'idée aurait pu être développée autrement mais le fait de travailler sans équipe (tant pour l'esthétique, que l'administration et la coordination) rendait la chose un peu difficile... et point important, il ne fut jamais question que ce soit moi qui fasse les interventions... ni la régie d'ailleurs. Conséquence: à partir de l'entrée en salle, je n'ai plus jamais pu prendre de recul et regarder le spectacle avec insistance...

Un autre flop de cet été: la première! Du moins, la réception après la représentation... En bonne personne toute timide que je suis de nature, j'ai oublié d'inviter les gens à rester après le spectacle... et à notre sortie de la salle, il n'y avait plus un chat. Qu'un seul buffet!

Dernier rappel des parutions...

À couple ment (pré-papier de Jean-François Caron, Voir)
Nono de Sacha Guitry (tiré du Blogue du Jbijjer)
Ambivalence entre appréciation et... (critique de Christian Laforge, Quotidien)
Amour chienne (critique de Jean-François Caron, Voir)
Nono du TCM (tiré du blogue Jack aime/Jack n'aime pas)
Nono: théâtre extrême (tiré du blogue Spécial du jour)
et toutes les miennes, sous la rubrique NONO dans la colonne de gauche.

Voilà. C'était donc Nono de Sacha Guitry... neuvième théâtre d'été du 100 Masques... et sa dix-neuvième production!

samedi 12 juillet 2008

NONO [Nouveau journal d'une mise en scène]

En attendant l'arrivée de nos photographies,
voici celle prise par Jean-François Caron pour son article du Voir du 10 juillet dernier.


Nous en sommes déjà à la fin de la deuxième semaine de représentations de Nono (soit cinq de passées).

Généralement, je suis assez satisfait de ce spectacle. Tant avec ses faiblesses qu'avec ses forces. Ce qui ne signifie pas pour autant que je sois toujours heureux du résultat! Loin de là! Les exigences demeurent toujours aussi élevées... et même plus encore!

Il y a des soirs où ça marchent définitivement bien. Les punchs punchent. Les rires fusent. La tenue en scène est superbe. Le tout est bien dosé et bien contrôlé. Ces soirs-là, faire du théâtre est un immense privilège et un plaisir sans cesse renouvellé.

Il est aussi des soirs - pour nous rappeler la précarité théâtrale, j'imagine - où, métaphoriquement, la représentation est un gâteau sorti du four trop tôt. Où le rythme semble anémique. Où règne un décalage et des dérapements continuels. Où les secondes durent des minutes et l'heure quarante de ce spectacle une éternité! Souvent (comme ce fut également le cas cette semaine), ces caractéristiques collent fort bien (malheureusement!) aux soirs de reprises... Ces soirs-là, je ne peux m'empêcher de détester ce que je fais. De tout remettre en question et de ressentir un profond remords (disons... un malaise) face aux spectateurs qui sont dans la salle.

Outre ce désordre quasi-psychologique, j'assume les choix faits. Du moins pour la plupart. Il en est un, dans ce cas-ci, que je regrette: les placements produits. Tout au cours de la représentation, il y a des publicités et des bloc commanditaires. Ces coupures sont ou bien aimées, ou bien honnies.


C'était un moyen original - du moins, dans le domaine de l'abstraction - d'encourager les investisseurs... mais le résultat, ne me convainc pas... et pourtant, encore une fois, il est des soirs où ça fonctionne plutôt bien. Peut-être est-ce un manque d'interaction entre celles-ci et les comédiens... ou un manque de rythme... je l'ignore. Toujours est-il qu'à chaque fois, je me dis que ce fut une erreur.

Pour terminer, voici ce que dit Jean-François Caron dans le Voir mentionné en référence sous la photographie...

samedi 5 juillet 2008

NONO [Nouveau journal d'une mise en scène]

Le public de théâtre, Gustave Doré


Avoir le sens critique,
c'est porter le plus vif intérêt à un ouvrage qui,
justement, vous paraît en manquer!
Sacha Guitry


Paraît ce matin, dans l'édition «week-end» du Quotidien, une critique de Christiane Laforge: Ambivalence entre appréciation et impression d'inachevée... dans lequel elle parle (je suis d'ailleurs très surpris de la longueur de cet article!) de ses réserves après avoir assisté à l'avant-première. Ambivalente, dit-elle. Aimer sans être conquise...

Après l'appréhension soudaine qui s'est manifestée à la lecture de ce titre (parce qu'il est tout de même évident que nous travaillons toujours pour que le courant passe) et de la première phrase («Je regrette rarement d'assister à une pièce de théâtre»), j'ai pris une grande gorgée de café corsé et j'ai lu - avec un intérêt grandissant - ces deux pages... qui s'avèrent être finalement un vrai travail de critique théâtrale...

D'abord, il faut dire que l'auteure sait écrire, connaît le sujet et est capable de justifier et de développer ce qu'elle affirme. En gros: nervosité très (trop?) présente; mise en scène très (trop?) exigeante créant un difficile équilibre entre la scène et les comédiens et entre les comédiens eux-même; impression d'inachevée (que moi, je qualifiais de brouillon)...

Peut-on reprocher à une critique de prendre clairement parti, de se mouiller sans équivoque et de quitter le domaine du compte-rendu? Peut-on se sentir attaquer ou blesser quand les points négatifs sont explicités et mis en contexte? Et somme toute, ce qui se dit dans ce texte répond (en fait, faire écho serait plus juste) au billet qui précède celui-ci et qui parle de la même représentation. Je ne peux, par conséquent, qu'être d'accord... et prendre les remarques comme étant des points de réflexion pour ajuster le spectacle tel que je le mentionnais un peu plus tôt dans la semaine. J'ai toujours cru au fait qu'une bonne critique (dans le sens de valable, à mon sens) a une utilité et force à se remettre positivement en question. Il s'agit, lorsque bien fait, d'un échange courtois et intelligent.

Je tiens, en terminant, à corriger l'impression donnée ici: cet article n'est ni destructeur, ni acerbe. Je le répète, il décrit et analyse le spectacle en y faisant la liste des bons (car il y en a des élogieux!) et des mauvais choix.

Aimer sans être conquise donc... ce sera pour la prochaine fois alors!

(Autre point de vue - plutôt concordant - sur le Blog du Jbijjer...)

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Pendant que j'écris ce commentaire, je repense à une citation qui m'avait marquée...

Un grand metteur en scène français (dont j'oublie le nom) cité par Meyerhold disait que le travail de critique était ardu et toujours précaire du fait qu'il se basait plus souvent qu'autrement sur une première... que le critique de théâtre ne devrait voir le spectacle qu'après la vingtième représentation... qu'avant ce n'est encore qu'ajustement... et qu'il devrait aussi revenir voir et refaire une autre critique plus tard... qu'ainsi, la boucle serait bel et bien fermée...

Audacieux comme réflexion...