vendredi 28 mars 2008

Le brigadier

Dany Lefrançois, Guylaine Rivard et le brigadier...
Photographie: Jean-François Caron

En référence au billet de Jean-François Caron de ce matin dans lequel il fait mention du brigadier... ce bâton servant à marquer les trois coups...

Hier, j'ai donné l'une des significations des traditionnels coups de théâtre entendus avant le début d'une représentation (tradition qui s'est perdue). Celles-ci sont aussi nombreuses qu'il y a d'institutions... et le nombre de coups diffèrent tout autant.

L'usage le plus conventionnel du brigadier va comme suit: 11 petits coups rapides suivis de 3 grands. Ils exigent le silence d'une salle qui se faisait bruyante. Selon une histoire plutôt jolie, ils représenteraient ceci... judéo-chrétienté oblige... Les 11 petits coups représenteraient les douze apôtres moins le traître Judas... et les trois grands, la sainte Trinité.

Pour d'autres significations (parfois farfelues comme celle voulant que ces coups aient été, à l'origine, le bruit des pas de Sarah Berhnardt - portant une jambe de bois après son amputation - dans les coulisses), lire Les trois coups de brigadier, par Corinne Durand Degranges. Par la suite, si la curiosité vous tenaille toujours, faites une tour sur Wykipédia sous la rubrique «Onze coups».

Retour sur un moment d'arrêt...


Nous étions quoi? Une cinquantaine? Peut-être plus... peut-être moins...

Avec un autocollant d'identification bien visible... Fébriles, pour la plupart, à l'idée de performer en plein coeur du centre d'achat, parmi les badauds qui se sustentent entre deux assauts boutiquiers.

Premier constat en arrivant sur place: le bruit! Craintes et doutes... Pourrons-nous entendre les signaux... Marchera-ce? Marchera-ce pas? Second constat (toujours lié au premier): re-bruit! Nouvelles craintes, nouveaux doutes... Pourrons-nous nous faire entendre? Et enfin, troisième constat: cet endroit (l'aire de restauration) est déjà un lieu qui, par définition, permet de s'arrêter... par conséquent, l'impact (visuel, social) de la performance n'est-il pas un peu diminué?

Alea jacta est.

Nous nous dispersons alors, autant que faire se peut, tentant de nous fondre (!) dans le paysage humain. Le temps passe...

Et soudain, PAF! Le sac gonflé éclate; il nous faut nous immobiliser.

Cinq longues minutes... 300 secondes... C'est long. Simple en apparence, ce geste nous emplit pourtant d'adrénaline...

Nouveau signal, lecture cacophonique et décalée, par dix personnes d'un texte rendant hommage au théâtre d'ici... Nouveau signal, lecture plutôt réussie, à mon sens, de texte de Robert Lepage par trente personnes...

Ce fut fort agréable... Amusant. Et il est fantastique de noter la solidarité de tout le mileu... Toutes les compagnies, des artisans de toutes les sphères théâtrales, des spectateurs, des étudiants... Faire quelque chose tous ensemble donne de l'espoir... du moins, sur le coup...

C'était NOTRE Moment d'arrêt sur le théâtre.
__________________________

Juste avant cette performance, on m'a posé une question que je restitue ici de mémoire (et donc pas nécessairement fidèlement): est-ce que je crois en l'utilité (se faire entendre, marquer le public, le sensibiliser) d'un tel acte? Spontanément, j'ai répondu non. Probablement qu'après, j'aurais répondu la même chose... mais avec plus de nuances... plus de réflexions...

Voici les cinq commenaires reçus pour ce billet (restitués ici à cause du changement de blogue)

marilune a dit…

Tu as piqué ma curiosité!!!

J'aimerais bien savoir quelles sont ces nuances et ces explications!!!

31 mars 2008 15:12

Yoyo a dit…

Ça pourrait marcher... selon le lieu choisi...et selon l'objectif du projet...
Le fait que ce soit du théâtre invisible (ou que les participants se fondent dans la masse) est problématique si on souhaite faire de cet événement un «manifeste», ou un «coup d'éclat», ou un «soulignement» pour le théâtre... Les spectateurs obligés ne voient que des «trippeux» qui arrêtent... bien sûr, cela les questionne... Mais font-ils vraiment le lien entre le théâtre et ces statues? Prennent-ils conscience du milieu régional? J'en doute... N'eût-il pas mieux valu que nous portions tous un costume?

En passant, je ne nie pas l'impact de cette action, loin de là! Ça frappe l'imaginaire, ça stimule probablement les conversations... Ce que je remets en cause, c'est l'«utilité». Les traces que ça laisse...

3 avril 2008 08:47

Jean-François Caron a dit…

Évidemment, je me sens interpellé par cette discussion puisque c'est moi qui ai posé LA question.

Quand je parlais d'utilité, c'était un peu vague. Et je ne suis pas certain que je savais vraiment ce que je voulais savoir.

Est-ce que c'est utile pour la société de tenir un événement comme celui-là?

Est-ce que ça sert le théâtre?

Est-ce que ça porte des fruits au niveau de la culture régionale?

Est-ce que ça incitera un public involontaire à réitérer l'expérience de façon volontaire?

De toute façon, je ne suis pas certain qu'il faille répondre à cette question. L'utilitarisme borné me pue au nez et si mes réflexes de journaleux prennent parfois le dessus, il n'est en général pas trop long que je me ravise.

Ce qui fonde l'art n'est-il pas justement son urgence, au-delà de toute nécessité à une quelconque justification?

Je me suis trouvé particulièrement chanceux de pouvoir être présent lors de cet événement. Ne serait-ce que dans l'exercice purement égoïste d'une satisfaction toute personnelle, pour moi ou pour ceux qui y participaient, ça valait le coup.

Au fond, c'est comme faire l'amour. C'est purement égoïste, satisfaisant, et si par hasard ça sert à quelqu'un d'autre par la bande, tant mieux...

3 avril 2008 09:23

marilune a dit…

merci de la réponse!

3 avril 2008 09:57

Mike on the Line a dit…

En cette soirée du 27 mars, que j'avais inscrite à mon Palm, que j'avais par la suite oubliée, mais à laquelle j'ai participé par hasard, parce que je consomme et fréquente la Place du royaume, j'ai passé un drôle de moment.

J'étais avant tout, ce soir-là, un badaud qui cherchait à se sustenter entre deux assauts boutiquiers... J'allais jouer dans la performance collective, certes, mais sans être sur sa scène, sans être dans le groupe. J'allais me statufier là où se retrouvait la moyenne des ours... à qui s'adressait d'ailleurs (j'espère) cette action.

Dans cet hyperespace relooké, au mobilier à la Philip Starck (car, malgré tout ce qu'on peut en penser, la place du royaume est aussi un endroit de culture), je me suis retrouvé immobile, les baguettes en l'air au-dessus de ma soupe tonkinoise. Une suspension agréable, juste légèrement excentrique, un brin rebelle. Voir, ici et là, cet arrêt démultiplié était vraiment plaisant, presque aussi plaisant que de voir la réaction des gens. J'ai beaucoup aimé.

Mais, à mon sens, les textes sont venus tout briser : J'ai eu l'impression d'entendre une longue oraison, vaguement intelligible, digne de l'acte des apôtres du dimanche matin, un édit public auquel la moyenne des ours devait se rallier. On ne m'offrait plus, on m'imposait, on martelait un message.

Peut-être est-ce uniquement parce que je me tenais à la périphérie de l'événement que je l'ai vécu comme cela. Mais, de l’extérieur, c’était malheureusement comme cela.

Drôle de soirée, donc, parce qu'a la fois puissante pour la poésie qu'elle insufflait par ces corps immobiles, mais aussi faible par le verbe déclamatoire, revêche, presque accusateur...

J'espère sincèrement que cet événement se répétera, et grandira pour rejoindre plus de gens et dans un périmètre plus large. Je souhaite seulement qu'on reconsidère l'aspect grandiloquent des discours dans cette performance : le médium est le message...

14 avril 2008 23:08

Les Immondes [états d'une solidarité]

Photographie: Le Quotidien (Sylvain Dufour)

Les Immondes, de Vicky Côté, sont des êtres dépendants poussés par un sentiment à s'accorder une immoralité ignoble, voire répugnante (dixit le programme). D'autre part, il s'agit d'un spectacle, inspiré, si j'ai bien saisi, d'une collaboration entre des artistes et l'organismes L.A.S.T.U.C.E.

De prime abord, il faut reconnaître dans ce spectacle la marque fidèle de Vicky (travail corporel soutenu, succession de tableaux, thème souvent repris de la communication interpersonnelle, monochromie des accessoires et du décors) qui nous avait déjà donné 10 vies sur tapis rouge et Sonô.

Les Immondes met en scène 3 personnages (fort bien campés d'ailleurs par une Sara Moisan aux membres tout aussi mobiles qu'expressifs, un Patrick Simard au visage étalant une infinie gamme de grimaces et une Carolyne Tremblay présente tant physiquement que vocalement) dans des situations de solidarité qui veut dire tant, parce que nous vivons finalement en équipe. Ces situations s'enchaînent donc dans une frénésie collective : l'orange, le baseball, l'anniversaire, les hots-dogs, etc.

L'ingéniosité est au rendez-vous. Le talent aussi. Vicky sait développer des moments précis où l'individu ne peut que se révéler. Souvent négativement. Toutefois, il est difficile de faire un lien entre les tableaux, de dégager un propos clair et significatif... Les rires surgissent à plusieurs endroits. D'où la question suivante: Les Immondes servent-ils le rire ou la réflexion? Probablement me répondra-t-on, les deux... j'en conviens. Seulement voilà, parfois, il semble que la tentation de performer passe avant la nécessité de passer un message...

C'est bref, je sais. Je manque un peu de temps... j'essaierai d'y revenir un peu plus tard...

jeudi 27 mars 2008

Journée Mondiale du Théâtre

Aujourd'hui, 27 mars, est la Journée Mondiale du Théâtre... 24 heures pour souligner le travail de tous ses artisans (auteurs, metteurs en scène, scénographes, éclairagistes, comédiens et acteurs, costumiers, producteurs, directeurs artistiques, de production, administratif)... 24 heures pour réfléchir à l'importance de cet art, son cheminement, son avenir...

Chaque année depuis 1961, une personnalité connue est invitée à écrire un message qui sera traduit et lu dans le monde entier... Le premier fut Jean Cocteau... Cette année c'est à Robert Lepage, comédien et metteur en scène québécois, que revient cet honneur:

Il existe plusieurs hypothèses sur les origines du théâtre, mais celle qui m’interpelle le plus a la forme d’une fable :

Une nuit, dans des temps immémoriaux, un groupe d’hommes s’étaient rassemblés dans une carrière pour se réchauffer autour d’un feu et se raconter des histoires. Quand tout à coup, l’un d’eux eut l’idée de se lever et d’utiliser son ombre pour illustrer son récit. En s’aidant de la lumière des flammes, il fit apparaître sur les murs de la carrière des personnages plus grands que nature. Les autres, éblouis, y reconnurent tour à tour le fort et le faible, l’oppresseur et l’oppressé, le dieu et le mortel.

De nos jours, la lumière des projecteurs a remplacé le feu de joie initial et la machinerie de scène, les murs de la carrière. Et n’en déplaise à certains puristes, cette fable nous rappelle que la technologie est à l’origine même du théâtre et qu’elle ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme un élément rassembleur.

La survie de l’art théâtral dépend de sa capacité à se réinventer en intégrant de nouveaux outils et de nouveaux langages. Sinon, comment le théâtre pourrait-il continuer d’être le témoin des grands enjeux de son époque et promouvoir l’entente entre les peuples, s’il ne faisait pas lui-même preuve d’ouverture? Comment pourrait-il se targuer d’offrir des solutions aux problèmes d’intolérance, d’exclusion et de racisme, si, dans sa pratique même, il se refusait à tout métissage et à toute intégration?

Pour représenter le monde dans toute sa complexité, l’artiste doit proposer des formes et des idées nouvelles et faire confiance à l’intelligence du spectateur capable, lui, de distinguer la silhouette de l’humanité dans ce perpétuel jeu d’ombre et de lumière.

Il est vrai qu’à trop jouer avec le feu, l’homme prend le risque de se brûler, mais il prend également la chance d’éblouir et d’illuminer.

Robert Lepage
Québec, le 17 février 2008


mercredi 26 mars 2008

Sur les sifflets


Nouvelle anecdote portant, en quelque sorte, sur le rôle de la critique, datant de plusieurs dizaines d'années... preuve qu'en la matière, les vues restent généralement les mêmes!


Tirée du recueil LE BAISSER DE RIDEAU (Anecdotes théâtrales anciennes et modernes) paru à Paris, en 1837...


Préville-le-Célèbre, du Théâtre-Français, disait dans le foyer, devant cent personnes: «Je voudrais pour tout au monde qu'on n'eût pas enlevé au public le droit de siffler. Je l'ai vu applaudir au jeu forcé de quelques-uns de nos camarades; j'ai chargé mes rôles pour recevoir les mêmes applaudissements. Si, la première fois que cela m'arriva, un connaisseur m'eût lâché deux bons coups de sifflet, il m'aurait fait rentrer en moi-même et je serais meilleur.»

mardi 25 mars 2008

LE RIRE DE LA MER [Histoire d'une mise en scène]

Le rire de la mer entame sa dernière semaine de travail... du moins, pour la partie répétitions.


La dernière fin de semaine a été quelque peu chamboulée par la tempête et, puisque Pâques a décidé d'être en mars cette année, par les soupers, rencontres de toutes sortes et congés fériés. Rien pour calmer la nervosité et le stress des fins de production!

Toujours est-il que nous nous en sommes bien tirés malgré tout. Pas comme prévu... mais tout de même. Samedi, nous avons entrepris de répéter tous les changements de décors avec musique. Et ce n'est pas une sinécure! Nos deux cents boîtes voyagent sur cette petite scène autant que faire se peut. Ces boîtes dont la moitié sont renforcies... et l'autre moitié servant de rangement. Imaginez alors le plaisir: faire un décor... replacer le tout selon l'emplacement d'avant pour tester le changement (en prenant en compte de bien presetter les boîtes utilitaires!), jouer, et recommencer... jusqu'à l'obtention d'une certaine fluidité dans le mouvement! Vivement l'enchaînement du spectacle en entier pour en valider l'intérêt!

Dimanche, entre deux bouchées de chocolat (merci Francine!), nous nous sommes penchés sur trois scènes...

Lundi, des boîtes et encore des boîtes...

Maintenant, il faut passer à la finalisation de cette production. Les éclairages (et l'intégration de la musique) sont prévus pour cette fin de semaine... et si le temps nous le permet (le temps dans le sens de durée... et non de température, parce que je ne m'y fie plus!), nous nous paierons même le luxe de faire quatre enchaînements! Mais, je le sais, il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant que de ne l'avoir tué... il faut traverser le pont rendu à la rivière... il ne sert à rien de sortir le rôti du four avant qu'il ne soit cuit.

De ce projet, deux ou trois choses me semblent essentielles... Outre le travail de recherche habituel (sur le personnage, j'entends), il doit y avoir le plaisir et la confiance. Sans ces deux éléments, le théâtre n'est qu'un métier. Et lorsque le théâtre n'est plus qu'un métier, il ne sert plus à rien.

La semaine prochaine, ce seront déjà les générales et la fameuse première... Euh... oui.

mardi 18 mars 2008

LE RIRE DE LA MER [Histoire d'une mise en scène]

Maintenant que le Mic Mac a posté son affiche sur son site internet (www.theatremicmac.com), je me permets désormais de faire de même dans cet espace:


Affiche: Christian Roberge, Le Groupe Proconcept

Les affiches nous rappellent inexorablement que la première approche!

Le bruit des os qui craquent


Juste quelques mots pour revenir sur la lecture publique d'hier soir, Le bruit des os qui craquent, de Suzanne Lebeau (femme charmante, soit dit en passant), présentée par La Rubrique.

Ce genre d'événement est toujours intéressant. Nous étions quoi? une trentaine de personnes, tout au plus, assis dans le noir, écoutant attentivement des acteurs, sur scène, dans un dispositif des plus élémentaires (chaises, table), lire un texte qui repose encore entre les mains de son auteure.

Sur une initiative du Carrousel (Montréal, 1975), Madame Lebeau, le metteur en scène Gervais Gaudreault et l'équipe de jeu ont sélectionné des villes au Québec, pour discuter de ce texte encore vierge, notamment sur l'épineuse question du public cible...

Parce que oui, Madame Lebeau (dramaturge pour enfant) s'attaque à un sujet lourd: les enfants-soldats... Sous le couvert de la délicatesse, elle aborde l'horreur et l'indicible. D'une part, deux comédiens personnifient deux jeunes enfants en fuite, enlevés et soumis au contrôle des rebelles. De l'autre, plus tard dans le temps, une infirmière témoigne, pour ces mêmes enfants, de toute la cruauté subie et de l'innocence perdue...

Il s'agit d'un très beau texte. Intense. Perturbant. Poétique tout en étant résolument lucide. Et si espérance il y en a (du moins, c'est ce qui est ressorti de la discussion), elle me semble fort sombre...

Alors, pour enfant ce texte? Spontanément, les réserves font surface. Les adultes s'y sentent interpeller fortement et doutent du droit de présenter ce genre de spectacles aux enfants... et pourtant, plus la discussion avance, plus les opinions changent... Oui, avec une bonne préparation disent les uns... oui, avec un bon retour disent les autre. Toujours est-il que, manifestement, il y a un malaise. Un malaise (bénéfique s'il sait se transformer en prise de conscience) comme seul sait le provoquer l'art.

mardi 11 mars 2008

LE RIRE DE LA MER [histoire d'une mise en scène]

La mise en scène de cette toute nouvelle production du Théâtre Mic Mac roule bien. La mécanique s'installe petit à petit... Les personnages émergent peu à peu du magma littéraire... Les boîtes (les foutues boîtes!) se dressent comme tout autant de défis lancer aux comédiens...

Nous sommes prêts à enchaîner tout le spectacle, d'un bout à l'autre, pour avoir une bonne idée de l'ensemble. Ensemble que j'aime bien, soit dit en passant!

Généralement, le plaisir est au rendez-vous et les rires n'attendent que fort peu de temps avant de fuser de toute part...

Toutefois, et c'est l'une des plus grande difficulté de ce genre de travail «en concentré» (nous n'avons, en fait, je le rappelle, que huit week-ends pour travailler ce spectacle... soit 16 jours!), nous faisons face constamment à... disons... un ennemi tenace: la pression. Je m'explique...

Présentement, oui, tout est à peaufiner... à solidifier... bref, à répéter - et, ô magie! c'est le propre du théâtre! Dans les faits, il nous reste deux fin de semaines... 4 jours... Pris dans ce sens, le constat effraie et jette un peu l'inquiétude (néfaste à la confiance nécessaire dans ce genre de projet...) et le désarroi tant chez les interprètes et les concepteurs. Je suis, moi, d'un naturel plus optimiste (je n'en suis pas à mon premier paradoxe!). Remis en contexte, ce constat se pose différemment: ces 4 journées représentent, à vrai dire, le quart des répétitions prévues. C'est assez pour donner de bons résultats (plus serait toujours le bienvenu... mais bon).

Donc, cette pression, dis-je, deviens parfois difficile à gérer... (à ce sujet, voir le billet du 2 décembre dernier)... surtout avec un frigo expiré, une voiture défectueuse, un compte à sec et un stress personnel qu'il me faut reléguer en second plan. Une mise au point, était, à mon avis, nécessaire... pour le bon déroulement (avec efficacité!) du temps qu'il nous reste...


N.B.: L'affiche de la production est prête (conception: Christian Roberge)... et je pourrai probablement la placer sur mon blogue sous peu!

jeudi 6 mars 2008

Plan de carrière au coeur de l'hiver


Séquestré chez-moi, enseveli sous la neige (et ce n'est pas qu'une simple façon de parler!), je passai la journée d'hier bien calé sur mon sofa à grapiller dans des textes dramatiques avec le seul objectif avoué de relire des passages qui m'ont toujours plu.

Ce qui, au départ, n'était qu'un jeu - et le restât par la suite - devint, en quelques sortes, l'établissement d'un plan de carrière... à réaliser dans les prochaines années (d'ici disons 20 ans!). De palmarès en palmarès se sont échafaudés des projets utopiques, des envies de metteur en scène, des visions scéniques (peut-être aurais-je dû manger...)...

Voici donc, s'il ne me restait que cinq mises en scène à faire, les cinq textes - mes cinq plus grand coups de coeur - auxquels j'aimerais me mesurer... les cinq textes qui m'appellent définitivement à la scène... Un jour, traversant le pont rendu à la rivière, je tenterai de trouver ce qui unit tous ces textes.

J'aimerais faire deux spectacles à grand déploiement, tant pour le plaisir des grandes distributions... que pour le défi que pose ce genre de projet de grande envergure. Deux spectacles acerbes, se nourrissant du cynisme et de l'ironie, montrant l'homme (à titre épicène!) comme étant un complexe mélange de cruauté et de fatalité. L'un ayant pour thèmes principaux la vengeance et la cupidité (LA VISITE DE LA VIEILLE DAME de Friedrich Dürrenmatt) et l'autre, la monstruosité du pouvoir et la trahison (AMORPHE D'OTTENBURG de Jean-Claude Grumberg).

Pour me reposer de ces projets colossaux, j'aimerais, par la suite, me concentrer sur deux textes plus simples en apparence... délaissant le cynisme et l'ironie pour le résultat de ceux-ci: l'abandon, l'érosion et le vide angoissant de l'existence.

TRAVAIL À DOMICILE de Franz Xaver Kroetz, est, à mon avis, l'un des textes les plus durs que j'ai lu. Gouffre sans fond d'indifférence et de désespoirs... À partir de Kroetz, c'est une incurion dans le théâtre du quotidien ( «[...] où constamment le réel est détourné: s'inscrire dans la banalité - enfouir les problèmes important - loin dans la tête. Il ne s'agit pas d'une démonstration claire (les personnages ne se révoltent pas, ne dénoncent rien) ni de rendre compte du déroulement continu de la vie mais d'un choix de moments où rien n'est dit explicitement et où surgissent le mieux l'aliénation et le refoulé de toute une vie. [...] Ce n'est pas un théâtre de la réalité mais un théâtre où la réalité s'impose violemment dans la tête.» WENZEL, J-Paul et Claudine Fièvet, Pour un théâtre du quotidien).

MUSIC-HALL de Jean-Luc Lagarce, illustre l'effacement progressif de la personnalité, du sens de la vie, au gré des écueils et des récifs du monde du spectacle... Ici, pas nécessairement de désespoir... non... il s'agit du règne de la lucidité... de la lucidité qui consumme l'existence... cette même lucidité qui fait les grandes tragédies. Le personnage si conscient de lui-même qu'il ne peut que se briser sur son propre reflet...

Et enfin, PHÈDRE de Jean Racine, le plus classique des classiques... pour sa perfection de la forme, du sujet et des sentiments exprimés... pour son héroïne qui s'autodétruit... pour la fureur que contient ce texte, son extrémisme, sa corrosive solitude...

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. »

(Phèdre (vers 161))


Ne me reste plus qu'à travailler maintenant...


lundi 3 mars 2008

La critique selon Oscar Wilde


Cette fin de semaine, j'ai succombé à la lecture. Encore. Une biographie d'Oscar Wilde, signée Richard Ellman (Éd. Gallimard, 1988). Pour rester dans la même veine que mes billets précédents (en ce qui a trait à la critique), j'ai relevé deux petits aphorismes de cet esthète, homme de théâtre, critique d'Art et controversé personnage (fascinant à lire, soit dit en passant... avec, comme contemporains, entres autres, Bram Stoker, Victor Hugo, Sarah Bernhardt)...

Le premier pourrait fort bien être écrit aujourd'hui (si je fais preuve de mauvaise foi!) par les détracteurs du théâtre inellectuel: Nul doute que les tableaux modernes (ou le théâtre contemporain, le théâtre expérimental, etc.) soient délicieux à regarder. Certains du moins. Mais leur compagnie est tout à fait impossible; il sont trop ingénieux, trop péremptoires, trop intellectuels. Leur signification est trop flagrante et leur méthode trop clairement définie. On a tôt fait d'en épuiser la substance et ils deviennent aussi ennuyeux que la famille. Fort discutable... mais le style est frappant! Et si c'était vrai?

Le second me plaît beaucoup. Bref, concis. Un tant soit peu ironique, moqueur, lucide: Le but premier du critique est de voir la réalité telle qu'elle n'est décidément pas. Wow! C'est le règne des fameux «j'aurais préféré», «au lieu de», «si ç'avait été»...

Ça ne fait pas avancer le débat (!), n'approfondit guère la réflexion... mais ça fait sourire en ce début de semaine... je trouve... enfin... peut-être...

Pour terminer sur une note historico-technique, voici la véritable voix de Wilde (du moins le pense-t-on) lisant un extrait d'une de ses dernières oeuvres, Ballad Of Reading Gaol, enregistrée sur un cylindre de cire...


3 commentaires:

Marilune a dit…

Wow! Sommes-nous supposé entendre autres choses qu'un grincement d'enregistrement?

:P

Yoyo a dit…

Chère jeune femme qui ne sait apprécier la valeur des choses!!!
Cette voix surgit de la fin de l'ère victorienne... si on croit entendre Wilde, et qu'on sait que la Ballade fut écrite en 1897... et que lui est mort en 1900... cet enregistrement a, au bas mot, 108 ans!

:P

Plus qu'une peinture, plus qu'une photo, nous tenons, entre nos mains (ou plutôt dans nos ordinateurs!) l'une des choses les plus personnelles de cet homme: sa voix... avec tous les défauts de ton oreille trop habituée au iPod et autres écouteurs!!!

Nada sur le net! a dit…

vive les ipod, Oscar aurait apprécié...