mardi 26 février 2008

L'autre boîte de Pandore

L'une des spécificités du milieu théâtral au Québec, selon moi, est son incapacité (ou sa frilosité... ou son inconscience) à tenir un discours disons plus théorique ou, du moins, axé sur une recherche approfondie (forme, démarche, théoriciens, vision). Il y a un vide quasi généralisé sur le plan de la pensée théâtrale.

C'est peut-être la peur de sombrer dans l'hermétisme... la peur de se couper du public qui ne souhaite (!) que le divertissement... la peur de s'empêtrer dans un magma intellectuel... Je mets au défi quiconque de nommer, spontanément, les praticiens québécois qui plongent franchement dans la veine théorique... par plaisir, par conviction et aussi parce que c'est une façon solide de faire évoluer le domaine...

Lire sur le théâtre n'est pas une tare...
Lire du théâtre n'est pas une tare...
Réfléchir sur le théâtre n'est pas une tare...
Poser des questions sur le théâtre n'est pas une tare...
Remettre en cause le théâtre n'est pas une tare...

Le théâtre n'est pas, malgré les apparences, un art figé dans un cadre précis de fonctionnement. Pourquoi, au Québec, cet art* semble-t-il si pauvre (intellectuellement parlant... ) alors qu'ailleurs, en Europe, il y a une recrudescence des voix qui s'expriment sur l'écriture contemporaine (Vinaver), le théâtre postdramatique (Lehmann), la scène actuelle (Castelluci), la performativité, le passage de l'interprétation à la présence scénique (Fabre), etc...? Que les metteurs en scène y osent exposer des pensées parfois radicales?

Nous voulons que les médias, les journalistes et les chroniqueurs culturels élèvent leur niveau de connaissance envers le théâtre. Bien. En comparaison, où se situent le nôtre ? Lorsque nous le saurons, peut-être serons-nous tous capable de le traiter avec sérieux et intelligence...

En même temps que j'écris, je me relis et me trouve injuste: oui, tout le monde pense et tout le monde essaie de faire évoluer cet art... Je m'incline. Peut-être n'est-ce, finalement, qu'une frustrante anémie hivernale...

*Bien sûr, au Québec, l'art théâtral est fort jeune... et son acte de naissance officielle, dans les livres d'histoire, ne remonte qu'à 1948... et le Tit-Coq de Gélinas...

lundi 25 février 2008

LE RIRE DE LA MER [histoire d'une mise en scène]



Nous poursuivons donc notre aventure, au Mic Mac de Roberval.

Après quatre fins de semaines intensives, nous avons fait un débroussaillage de tout le texte - Le rire de la mer de Pierre-Michel Tremblay - et nous avons placé (de façon encore bien fragile), ébauché toutes les scènes. Le véritable travail peut maintenant commencer...

Ce week-end, nous nous sommes concentrés sur le choeur (au centre de tout ce projet!), ses actions, ses poses, ses mécanismes. Le choeur est parfois considéré (je ne me souviens plus du nom de ce théoricien...) comme étant le plus haut niveau d'action dramatique sur scène... ce pourrait être questionnable... et peut-être pas.

Ce spectacle ne sera pas un spectacle visuel... bien que l'illusion et la théâtralité seront omniprésentes. Ce spectacle ne sera pas un spectacle de technique... bien que le minimum utilisé y sera maximisé... Ce spectacle n'est pas un spectacle où l'acteur fait des prouesses... bien que chaque tableau renferme des scènes fortes... Ce spectacle doit reposer sur deux choses intimement liées: un lien fort unissant 15 personnes ensemble... et surtout, le plaisir... le plaisir du théâtre. Les tableaux qui se succèdent ne sont que prétextes à ces deux éléments.

Le plus difficile, pour le moment, c'est de conserver la concentration et le sérieux de tout le monde en scène. Pour la plupart, les scènes sont vues pour la première fois. Le potentiel comique de chacune de celles-ci devient, en quelque sorte, le pire obstacle. Mais bon...

Sinon, quoi d'autres... Mon équipe de conception (Francine Joncas à l'assistance, Christian Roberge et Vicky Tremblay aux costumes et accessoires, Gervais Arcand aux éclairages) est efficace, très présente... et les propositions fusent de toutes parts... et tout se meut à une vitesse assez surprenante... Esthétiquement, nous avons une ligne directrice... et nous tentons de la suivre... La complicité et la proximité de l'équipe nous permettant d'y aller sur le mode essais-erreurs...

En gros, nous en sommes là... À un mois et une semaine de la première... Le premier enchaînement d'hier (les deux tiers, en fait...) nous permet de croire à un spectacle d'environ 1h45... Le stress se gère encore assez bien... selon le point de vue où l'on se place! C'est toujours la même sempiternelle hisoire: voir le verre à moitié vide... ou à moitié plein!

LE RIRE DE LA MER [histoire d'une mise en scène]


Nous poursuivons donc notre aventure, au Mic Mac de Roberval.

Après quatre fins de semaines intensives, nous avons fait un débroussaillage de tout le texte - Le rire de la mer de Pierre-Michel Tremblay - et nous avons placé (de façon encore bien fragile), ébauché toutes les scènes. Le véritable travail peut maintenant commencer...

Ce week-end, nous nous sommes concentrés sur le choeur (au centre de tout ce projet!), ses actions, ses poses, ses mécanismes. Le choeur est parfois considéré (je ne me souviens plus du nom de ce théoricien...) comme étant le plus haut niveau d'action dramatique sur scène... ce pourrait être questionnable... et peut-être pas.

Ce spectacle ne sera pas un spectacle visuel... bien que l'illusion et la théâtralité seront omniprésentes. Ce spectacle ne sera pas un spectacle de technique... bien que le minimum utilisé y sera maximisé... Ce spectacle n'est pas un spectacle où l'acteur fait des prouesses... bien que chaque tableau renferme des scènes fortes... Ce spectacle doit reposer sur deux choses intimement liées: un lien fort unissant 15 personnes ensemble... et surtout, le plaisir... le plaisir du théâtre. Les tableaux qui se succèdent ne sont que prétextes à ces deux éléments.

Le plus difficile, pour le moment, c'est de conserver la concentration et le sérieux de tout le monde en scène. Pour la plupart, les scènes sont vues pour la première fois. Le potentiel comique de chacune de celles-ci devient, en quelque sorte, le pire obstacle. Mais bon...

Sinon, quoi d'autres... Mon équipe de conception (Francine Joncas à l'assistance, Christian Roberge et Vicky Tremblay aux costumes et accessoires, Gervais Arcand aux éclairages) est efficace, très présente... et les propositions fusent de toutes parts... et tout se meut à une vitesse assez surprenante... Esthétiquement, nous avons une ligne directrice... et nous tentons de la suivre... La complicité et la proximité de l'équipe nous permettant d'y aller sur le mode essais-erreurs...

En gros, nous en sommes là... À un mois et une semaine de la première... Le premier enchaînement d'hier (les deux tiers, en fait...) nous permet de croire à un spectacle d'environ 1h45... Le stress se gère encore assez bien... selon le point de vue où l'on se place! C'est toujours la même sempiternelle hisoire: voir le verre à moitié vide... ou à moitié plein!


jeudi 21 février 2008

Trois femmes descendent vers la mer

Bon. Que dire de cet autre spectacle de la cuvée 2008 des finissants en arts (option théâtre)...

Trois femmes descendent vers la mer raconte, selon les propres mots de l'auteur, Gilles Granouillet, trois portraits de femmes à trois âges de la vie, mais une seule histoire, celle de femmes qui luttent pour continuer à garder la tête haute. Mettons-les sur une barque au fil de l’eau. La situation de départ de la pièce a quelque chose de cocasse voire d’irréel. Ce qui va advenir d’elles, personne ne le saura exactement, ce sont bien les circonstances qui les ont amené jusqu’ici qui font l’histoire, qui font la pièce.

Ce texte, au lourd accent poétique (qui, j'avoue, ne m'avait guère plu à la lecture), est porté par une seule comédienne, Valérie Tremblay. Une très belle performance qui s'accomode même de ses états d'âmes et de sa nervosité quasi légendaire... Il ne s'agit pas tant ici d'un travail physique (quoique...) mais plutôt d'un travail de voix (qui oublie parfois de se contrôler!), d'immobilisme et de langueur (déf.: sorte d'affaiblissement moral et physique causé par les fatigues de l'esprit, par les peines de l'âme).

Le rythme alors est donné. Tout est en lenteur.

Sara Moisan a choisi de placer la comédienne sur un plateau fort réduit noir, neutre, avec tout de même le pouvoir d'évoquer le banc, le lit d'hôpital et la barque. Peu de musique. Avec des éclairages efficaces, découpés par la fumée/brouillard qui enveloppe le tout... et une utilisation de la vidéo (par Stéphane Boivin) fort intéressante.

Le passage d'une femme à l'autre se fait par un changement de position simple... qui prendra de en plus de force. Le texte cherche à se faire entendre, se matérialise dans une simplicité désarmante et, ô mystère de la scène!, il se charge de sens et d'intérêts!

Vraiment, c'est un beau petit spectacle... qui dure environ 40-45 minutes. Avec nombre de places limitées!

jeudi 14 février 2008

Code du spectateur

Voici, tiré du prologue du Poenulus de Plaute (v. 254-184 av. J.-C.), un véritable code de conduite du spectateur... avec des règles qui peuvent nous surprendre aujourd'hui... et d'autres qu'il nous ferait probablement plaisir de remettre en vigueur! Comme quoi les temps changent mais l'Homme (utilisé ici à titre épicène!) reste:


Lève-toi, crieur, avertis le public d’avoir à nous écouter. [...]
(Après la proclamation du crieur, le prologue s’adresse aux spectateurs.)
Qu’aucune vieille putain ne vienne s’asseoir sur le proscenium;
que les licteurs ne soufflent mot, ni eux ni leurs verges;
que l’ordonnateur ne passe pas sous le nez des gens,
et ne conduise personne à sa place pendant que les acteurs seront en scène.
Ceux qui ont dormi la grasse matinée chez eux
doivent se résigner à rester debout maintenant;
ou bien, qu’ils dorment un peu moins.
Que les esclaves n’envahissent pas les gradins,
qu’ils laissent la place aux hommes libres,
ou qu’ils paient ce qu’il faut pour s’affranchir.
S’ils ne peuvent le faire, qu’ils s’en aillent chez eux,
pour éviter la double infortune d’être bigarrés ici par les verges,
et au logis par les étrivières qui puniraient leur négligence au retour des maîtres.
Que les nourrices soignent à la maison leurs poupons,
et ne s’avisent pas de les apporter au spectacle:
ainsi elles ne mourront pas de soif
et leurs bébés ne mourront pas non plus de faim
et ne bêleront pas ici d’inanition comme des chevreaux.
Que les dames regardent sans rien dire,
qu’elles rient sans rien dire,
qu’elles modèrent les éclats de leur voix flûtée;
qu’elles gardent pour la maison leurs sujets de conversation,
afin de ne pas assommer leurs maris, ici comme chez elles.
Quant aux organisateurs des jeux,
qu’ils ne décernent la palme à aucun artiste injustement;
qu’aucun artiste non plus ne soit chassé du théâtre par la cabale,
pour assurer le triomphe des mauvais sur les bons.

Poenulus: traduit en français par Le Carthaginois.Licteur: Au théâtre, les licteurs maintenaient le droit de chacun, imposant le respect des hiérarchies.
Ordonnateur: à ce que j'en comprends, c'est, en principe, un maître de cérémonie (un metteur en scène...)
Bigarré: marqueté, jaspé, moucheté, piqueté, tacheté, tavelé, bariolé, chamarré
Verges: Baguettes de bois ou de métal
Étrivières: Courroies de cuir servant à relier la selle aux étriers
Organisateurs des jeux: je sais qu'en Grèce antique, les représentations théâtrales sont organisées dans le cadre de concours, où les auteurs présentent généralement trois tragédies et une comédie (tétralogie). Dix juges tirés au sort parmi les citoyens décident des personnes gagnantes. Le public essaie d'ailleurs souvent de les influencer. Ces juges attribuent six récompenses symboliques mais prestigieuses : deux aux meilleurs protagonistes comique et tragique, deux aux meilleurs chorèges comique et tragique et deux aux meilleurs poètes comique et tragique. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Théâtre_grec_antique) Est-ce la même chose pour la Rome antique? Je l'ignore.
Cabale:
complot ourdi par un groupe de personnes visant à conspirer pour le succès de leurs opinions.

mercredi 13 février 2008

Dans les ornières de l'Art dramatique

Voici la citation qui clôt chacun des volumes de la collection Les Voies de l'acteur... Définition métaphorique du rôle, de la fonction du théâtre, de la vocation scénique:

Sur la route boueuse et noire
Le brouillard ne se lève pas
Un chariot grinçant transporte
Ma roulotte délavée, mon théâtre

Alexandre Blok

Ce à quoi il ferait bon d'ajouter ce passage tiré du Capitaine Fracasse de Théophile Gautier:

Un chariot comique contient tout un monde. En effet, le théâtre n'est-il pas la vie en raccourci, le véritable microcosme que cherchent les philosophes en leurs rêvasseries hermétiques? Ne renferme-t-il pas en son cercle l'ensemble des choses et les diverses fortunes humaines représentées au vif par fictions congruantes? Ces tas de vieilles hardes usées, poussiéreuses, tachées d'huile et de suif, ces ordres de chevalerie en cailloux du Rhin, ces épées à l'antique au fourreau de cuivre, à la lame émoussée, ces casques et diadèmes ne sont-ils pas comme la friperie de l'humanité où viennent revêtir de costumes pour revivre un moment, à la lueur des chandelles, les héros des temps qui ne sont plus?

lundi 11 février 2008

L'expérience de l'égarement

On m'avait parlé déjà de cette mini-commotion qu'avait provoquée Évelyne de la Chenelière dans le milieu théâtral montréalais (dans un article paru dans la revue ci-dessus). De sa prise de position. De son coup de pied dans ce qu'on pourrait appeller la sacro-sainte immunité du travail artistique... Je trouve intéressant ce genre de débat. En gros, il se résume à un concept plutôt simple, mais ô combien difficile à appliquer: l'intégrité du sens critique. C'est, selon cette auteure, le règne de l'auto-congratulation et de la complaisance:

Quand on parle théâtre, on glisse rapidement vers le sujet de la « condition lamentable » des artistes et du sous-financement généralisé de la culture. J’ai le sentiment de soulever un véritable tabou si j’évoque une nécessaire remise en question de la force de nos créations. Pourquoi faudrait-il nous bercer dans l’illusion que tout ce que nous proposons sur scène est terriblement intéressant et novateur ? Parce que les créateurs et les décideurs ne veulent pas discuter de la pertinence ou de la puissance des œuvres : ils veulent prouver encore une fois que l’État ne soutient pas suffisamment les artistes. That’s it. (…) Je ne pense pas qu’il soit outrageant qu’un auteur, par exemple, ne vive pas de sa plume à trente ans. Je ne trouve pas que, par exemple, une lecture publique qui n’aboutit pas ultérieurement à une production soit un phénomène aberrant.
Évelyne de la Chenelière, Les Beaux dessins

J'ai pris connaissance de ce texte par le biais d'un article un peu plus acide écrit par Pierre Thibeault, dans le ICI Montréal, dans la semaine du 22 au 28 novembre 2007, (p.6).

COMPLAISANCE

Au Québec, «mordre la main qui nous nourrit» est un sport dangereux. Ailleurs aussi, me direz-vous, mais davantage encore en nos terres. Et surtout lorsqu’il est question de culture. Tout est tellement tricoté serré dans nos milieux culturels, tout le monde se doit tellement d’être le meilleur ami de son voisin que la critique venant de l'intérieur - la seule qui porte, en général - est au mieux mal perçue, au pire synonyme de véritable excommunication.

À la fin des années 90, en s’insurgeant contre la mécanique de l’entreprise théâtrale québécoise, le comédien Raymond Cloutier avait connu sa part d’opprobre à l'intérieur même des cercles théâtraux. Son Beau milieu avait suscité l’ire de plusieurs de ses collègues qui, même s’ils s’accordaient en privé pour reconnaître qu’il avait vu juste, ne daignaient plus le saluer en public.

Aujourd’hui, c’est au tour de la remarquable dramaturge Évelyne de la Chenelière d’y aller de son pavé dans la mare, de fustiger certaines attitudes propres au monde théâtral, bref de «mordre la main qui la nourrit».

Dans un texte intituté Les beaux dessins, texte qui vient de paraître dans la revue Argument publiée par Les Presses de l'Université Laval, l’auteure n’y va pas avec le dos de la cuiller: «Si je me mettais à la place du public, ma perception du milieu théâtral, par moments, serait la suivante: un groupe de gens qui n’arrêtent pas de se féliciter les uns les autres, et qui s’excitent devant des objets théâtraux parfois inaboutis, convenus, de courte vue, redondants, superficiels, et dont pourtant la critique m’avait assuré que c'était révolutionnaire et absolument exaltant.» Elle va encore plus loin en affirmant que «la majorité des artistes semblent oublier que la liberté, ce n’est pas la permission. [...] La liberté de la parole ne vaut rien sans la liberté de la pensée qui, elle, demande un effort. La spontanéité est le berceau de bien des efforts.»

Mais ce qui est particulièrement intéressant du texte d’Évelyne de la Chenelière, c’est lorsqu’elle aborde les conséquences de ce petit jeu de la complaisance qui, souvent, mine le monde théâtral. Et ses conclusions sont d’autant plus pertinentes que ce mode de fonctionnement du «tout-le-monde-il-est-beau-tout-le-monde-il-est-gentil» s'étend à l’ensemble de la sphère culturelle québécoise. En d’autres termes, ce qu’elle affirme pour le théâtre vaut pour à peu près toutes les disciplines artistiques d’ici.

Parce que la complaisance mène à l’aplanissement des différences. Tout se vaut. «Ainsi,tout devient insignifiant, ce qui pourrait avoir un impact fort est aussitôt évacué pour faire place à autre chose.» Et les journalistes ont leur devoir et leur responsabilité dans cet état de fait.

Évelyne de la Chenelière hésite à parler de crise de la culture au Québec. Plutôt que le vocable «crise», elle emploierait «plus spontanément le mot fatigue, découragement, désabusement, apathie, cynisme»...

À l'époque où je couvrais le théâtre pour le ICI, je voyais environ une soixantaine de productions par année. Pour un coup de cœur, combien de déceptions, de navets sur scène? Je n’ose y aller d’un chiffre...

Le foisonnement culturel dont on se targue lorsque l’on parle du Québec ne doit pas faire oublier la médiocrité dont font preuve bien des supposées œuvres. En ce sens, en nous rappelant le devoir de chaque artiste face à lui-même qui est «d’avoir comme projet la création d’un objet beaucoup plus grand que lui-même», le texte d’Évelyne de la Chenelière crie haut et fort pour la réelle survie de la culture au Québec. Car ce qui la menace plus que tout, cette culture, et j’en suis convaincu, c’est son incapacité à se flageller lorsqu’elle le mériterait.

Je ne suis pas prophète de malheur ni prophète tout court, d’ailleurs. Mais si la culture francophone devait disparaître dans le futur, j’imagine facilement la stupeur des historiens du siècle prochain qui liraient les titres des journaux d’aujourd’hui. «Mais si tout était si merveilleux, grandiose et phénoménal, comment se fait-il qu’elle ait disparu, cette culture?» Voilà quelle serait leur première réaction. Puis ils se plongeraient dans les œuvres... Et comprendraient ce que nous ne semblons pas à même de voir en ce moment.

Moi, sans aller jusqu'à la (auto-)flagellation, je crois aussi que le retour du sens critique ne peut qu'être bénéfique et vital pour un milieu qui sinon, sera condamné à plus ou moins brève échéance.

jeudi 7 février 2008

À TROP CHERCHER [parfois on trouve]


Guillaume Ouellet présente encore ce soir son projet de fin de bacc.: À trop chercher on oublie c'qu'on cherche, dont il signe les texte et mise en scène. Ce sculpteur de pierre se multidisciplinarise avec beaucoup de talents... et crée un spectacle (éminemment sculptural!) que je trouve admirable par sa facture essentielle (qui touche l'essence du théâtre).

Il y aurait tant à dire, il me semble sur ce travail... Ce projet offre beaucoup de questionnements, sur le jeu, sur l'espace, sur la vie...

J'ai vu la représentation d'hier soir (mercredi).

Dans l'intimité du Studio-Théâtre (enfin, le dénominatif salle de répétition tombe peu à peu), presque rien: un podium sur fond noir encadré par des pendrions. Sur scène, un comédien, debout, presque nu, sinon avec un bermuda orange, éclairé à contre-jour.

Et s'installe le théâtre. Le théâtre sans le théâtre

Le texte, généralement bien ficelé (avec parfois des inégalités de tons qui ne touchent guère l'unité d'ensemble) est porté par une staticité surprenante du comédien qui instaure ses propres codes, un système de conventions théâtrales d'une redoutable simplicité qui sera maintenu tout au long des 45 minutes.

Ici, pas de gestes (ou si peu), pas de déplacements, ... à la limite, pas de jeu. Qu'une tête, un regard, une voix. «La faculté de disposer son corps dans l'espace est la loi fondamentale du jeu de l'acteur», disait Meyerhold. Dave Girard-Boudreault (connu pour ses improvisations et ses jeux parfois excessifs) réussit un tour de force: disposer de l'espace tout en restant immobile. Ce qui frappe probablement le plus de ce spectacle, c'est la netteté qui se dégage de ce minimalisme... la précision quasi chirurgicale de la direction d'acteur. Ce type de travail représente beaucoup d'écoute et de complicité de la part des deux comparses (Ouellet et Boudreault). La ligne d'interprétation est fragile et ténue. Même si, parfois, le comédien aimerait sûrement stant-upiser, le tout reste contenu dans un cadre solide qui résiste assez bien au sentimentalisme.

À trop chercher présente un tableau impressif d'un personnage (Guy Gagné) qui se dit. Aux accents quotidiens se mêle la poésie et parfois (peut-être la tentation est-elle trop forte!) un ton un peu moraliste. Guy Gagné parle de valeurs, de rêves, d'envies, de plaisirs... de faux-semblants. Une recherche de bonheur... Parfois, notamment lorsqu'il parle de Johanie (peut-être me trompe-je de nom...), on croirait entendre une suite au Petit Prince... mais trash. Je n'irai pas plus loin dans l'histoire, pour ne pas trop en dévoiler... Sinon, j'ajouterai que ma seule grande réserve se trouve dans sa finale... non pour l'exécution scénique de celle-ci... mais pour son côté un peu convenue (fort bien écrite, par ailleurs... mais convenue... disons qui laisse une impression de déjà vue)...

Du bien bon travail!

Pour d'autres commentaires, il y a les blogues de Joël Martel et celui de Nada...

Alors voilà... Bonne chance pour les retardaires... je rappelle que les places sont comptées et fort limitées! Et qu'apparemment, c'est complet pour ce soir encore une fois!

lundi 4 février 2008

LE RIRE DE LA MER [journal d'une mise en scène]...2

Cette fin de semaine, nous avons commencé à répéter LE RIRE DE LA MER, au Théâtre Mic Mac, avec toutes nos boîtes (d'ailleurs, nous sommes passé d'une dizaine de boîtes... à 450... à 100... pour finir 200). La scène est vite devenue un immense jeu de construction (wouhou! premières images!) :

Il y a huit lieux différents à construire... et à habiter...

Je n'ai jamais été aussi nerveux. Chaque répétition est une source de stress constante. Pourtant, on rit encore beaucoup. Les répétitions vont rondement... et si tout va comme prévu, la prochaine fin de semaine, nous aurons déjà une vue d'ensemble de tout le spectacle. Nous aurons assez de matériel pour faire un enchaînement (très!) mécanique... un peu carrée! Tout demande encore à être affiné, peaufiné, creusé, travaillé.

Maintenir en action (et en intérêt) une équipe de 13 comédiens gruge un peu beaucoup l'énergie... par chance, je suis soutenu par une équipe de conception très présente...