dimanche 11 novembre 2007

GUERRE... combat entre le texte et la scène

Voilà... je suis allé voir (pour la première fois depuis la générale) une représentation de Guerre, présentée par Les Têtes Heureuses.

Je dois avouer que j'ai eu la chance d'avoir, dès le début du printemps (peut-être aussi était-ce le début de l'été?), ce texte entre les mains, alors que la distribution n'était pas encore annoncée. Texte qui m'avait beaucoup plu... avec une forte dose de contemporanéité: dialogues réduits à l'os (comme dirait Rodrigue Villeneuve); personnages forts (plus proches de la présence que du caractère); linéarité brisée par la forme, beaucoup plus près du montage cinématographique que du récit; propos crus où les mots s'autosuffisent dans la création d'une atmosphère d'après-guerre emplies de vides, de tensions, de morts, de chaleur éteinte. Fi donc de l'émotion. Les mots portent en eux-même l'horreur et le mal-être. Le théâtre dans sa plus simple expression. Presque rien... et pourtant soumis à une force horrible et froide: la ruine de l'être humain.

Le choc de la scène

Dans la salle, presque rien. Presque rien sinon une grande toile (omniprésente), un mur immense d'entrepôt ou quelque chose du genre, et une scène centrale. Une aire de jeu dépouillée, oui... mais aussi «repouillée» de chaises, de matelas et de menus accessoires! Bref, place aux acteurs.

En soit, la représentation est agréable: les deux heures que durent les entrelacements des dialogues, éclairages, costumes (!) et musique (?) passent sans longueur... et réussissent à maintenir un intérêt constant. Mais en même temps, suis-je objectif?

En fait, le choc ressenti tient beaucoup au texte et à l'interprétation. Ce qui, à la lecture, m'apparaissait d'une cruauté lucide, froide, et martelée au rythme du vide existentiel - une partition dissonnante - devient, à la scène, un récit (d'horreur, oui, mais tout de même un récit) avec des envolées émotionnelles. Cette impression tient tout particulièrement au personnage du père (malgré tout une belle performance de Jean Proulx) qui passe (toujours à la lecture) d'obsessif tyrannique à (toujours à la scène) victime qui pleure et repleure sur lui-même, sa femme, ses filles, sa vie passée, etc. L'image que s'en fait le comédien, la façon dont il aborde son rôle cadre-t-elle avec ce qu'a voulu faire le metteur en scène? Je lui demanderai, après tout, il habite chez moi!

Le spectacle propose de belles images et offre de forts beaux moments de comédiens, notamment lorsque paraît Sara Moisan, tout en nuance, en subtilité (un peu cliché mais bon!) mais avec une force et une solidité exemplaire! Une Mère Courage contemporaine... Marie Villeneuve et Johanna Lochon campent deux jeune filles avec brio (que voilà donc des phrases presque tirées du Quotidien!) et justesse. Quant à Jonathan Boies, l'effort est constant et louable... et il évolue de soir en soir.

Oui. Du vrai théâtre! Mais en sortant, après la représentation, bien plus tard, dans le lit, une question se pose avec acuité: est-ce que nous avons une expérience de vie nécessaire ici, à Chicoutimi (et au Québec, et en Amérique!), dans le confort du quotidien, pour porter un tel texte?